L’accessibilité pour les personnes avec un handicap de la parole
Pour préparer un document, j’ai relu l’article Introduction à l’accessibilité Web de la Web Accessibility Initiative (WAI) et j’ai regardé attentivement la phrase L’accessibilité du web comprend tous les handicaps affectant l’accès au web, en particulier le handicap : auditif, cognitif, neurologique, physique, de la parole et visuel
.
En y réfléchissant, une question m’est venue à l’esprit : comment le handicap de la parole affecte-t-il l’accès au web et aux technologies de l’information ?
Je me suis donc empressée de me documenter à ce sujet. Je partage ici avec vous ce que j'ai pu voir.
Qu’est-ce qu’un handicap de la parole ?
Comme son nom l’indique, le handicap de la parole est un problème de communication lié à la parole. Les troubles de la parole peuvent aller d’une légère difficulté d’élocution à l’incapacité totale de parler.
La capacité de parler peut complètement être indépendante des capacités linguistiques de la personne. Cette dernière peut être capable de lire, d’écrire et de comprendre le langage, même si la structure de sa bouche ou ses connexions neuromusculaires ne lui permettent pas d’articuler.
Parler différemment n’est pas une indication des capacités intellectuelles d’une personne.
Quand on parle de handicap de la parole, on va spontanément penser aux personnes muettes ou qui bégayent. Mais, les troubles de la parole peuvent être accompagnés ou être le résultat d’autres handicaps ou maladies. Citons par exemple la surdité, les troubles du spectre de l’autisme, la paralysie cérébrale, les accidents vasculaires cérébraux, etc. Cela représente au final un nombre important de personnes concernées.
Par exemple, le site gouvernemental Mon Parcours Handicap nous informe que chaque année, en France, 300 000 personnes sont touchées par l’aphasie, une perte totale ou partielle de la capacité de parler ou de comprendre le langage parlé ou écrit, due à une lésion cérébrale.
Quels problèmes dans le monde numérique ?
Une personne avec un handicap de la parole va affronter des difficultés dans le monde numérique. Ces difficultés sont liées à toutes les actions qui nécessitent la voix pour communiquer et interagir et qui ne proposent pas de solution alternative.
Voici quelques exemples :
- Une organisation qui proposerait uniquement un numéro de téléphone comme moyen de contact. Par exemple, pour réserver et payer la cantine de ma fille, il faut passer par un site web qui dysfonctionne régulièrement. La seule solution proposée à ce moment-là est un numéro d’appel vers un téléphone portable. Autant vous dire que chaque opération sur cette plateforme est génératrice de stress.
- Les services d’assistance qui ne s’appuient que sur la parole, comme par exemple une assistance en cas de panne de voiture, une urgence à bord du métro ou bien quand une personne est bloquée dans un ascenseur. Notons qu’en revanche la SNCF propose, en plus du numéro court d’appel d’urgence 3117, un système d’envoi de SMS au 31117. Je n’ai testé, fort heureusement, aucun des deux, mais il est rassurant de savoir qu’une alternative existe.
- La reconnaissance vocale automatique qui ne reconnaît pas les voix des personnes avec trouble de la parole ou la voix produite par un logiciel de génération de parole. Vous utilisez probablement des assistants vocaux tels que Siri, Alexa ou Google Assistant. La reconnaissance vocale est très utilisée ailleurs. Elle devient une brique habituelle des Serveurs Vocaux Interactifs, comprendre les services téléphoniques utilisés par les organisations pour fournir des informations et des services aux appelants. Tout cela crée un risque d’exclusion élevé pour les personnes avec un handicap de la parole.
Le handicap de la parole est-il considéré par les normes et les référentiels ?
WCAG et RGAA
Les référentiels d’accessibilité WCAG (Web Content Accessibility Guidelines) et RGAA (Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité) ne mentionnent pas explicitement les personnes avec un handicap de la parole. Cependant, ils fournissent des lignes directrices qui garantissent un accès égal en proposant des méthodes alternatives d’interaction.
Par exemple, le critère 7.3 du RGAA lié à l’interaction avec le clavier et tout dispositif de pointage impose que la parole ne puisse pas être la seule façon d’activer un élément.
Certains critères liés au remplissage de formulaires, bien qu’apparemment sans connexion avec le handicap de la parole, ont pourtant une réelle incidence. Si on prend le RGAA, on peut citer :
- Critères 11.1 et 11.2 : La présence d’étiquettes de champs qui doivent être explicites ;
- Critère 11.10 : Les instructions et les indications du type de données attendues ainsi que des exemples valides. Si vous voulez dire « 25 novembre 2024 », faut-il saisir « 25/11/24 » ou « 25/11/2024 » ou bien un exotique « 2024-25-11 » ? Votre numéro de Sécurité Sociale est-il sur 13 ou 15 caractères et donc avec ou sans clé ? Il faut que ce soit clairement indiqué ;
- Critères 11.10 et 11.11 : Les aides à la gestion des erreurs de saisie et les suggestions de correction proposées. De mon expérience, le pire scénario rencontré est celui d’une erreur signalée par un changement de couleur de la bordure du champ uniquement. Cela rajouterait le critère 3.1 du RGAA relatif aux informations portées uniquement par la couleur.
Le respect de ces critères permet aux personnes de remplir les formulaires sans avoir besoin d’aide extérieure qui pourrait créer une situation de handicap du fait de l’utilisation requise de la parole.
Norme européenne
En revanche, dans la dernière version de la norme EN 301 549 V3.2.1 (2021-03) PDF en anglais, plusieurs critères mentionnent explicitement le handicap de la parole. Par exemple, dans Exigences génériques/Fonctionnalité verrouillée/Accès sans parole (5.1.7), on peut lire :
Lorsque la parole est nécessaire pour faire fonctionner des fonctions verrouillées des TIC, les TIC doivent fournir au moins un mode de fonctionnement utilisant un mécanisme de saisie alternatif qui ne nécessite pas de parole.
Au-delà de la conformité
Pour aller plus loin que la simple conformité aux référentiels et normes, il existe un consensus pour travailler sur plusieurs axes.
Le premier est de proposer différentes alternatives de communication simples et basées sur du texte : tchat textuel, e-mail, forum et formulaire. Les personnes pourront choisir celle qui leur convient le mieux.
De nombreux marchands sur le web proposent aujourd’hui de les contacter par téléphone ou e-mail, mais aussi directement par formulaire sur leur site, sur les réseaux sociaux ou sur les messageries instantanées comme WhatsApp.
Ensuite, il est important de fournir des aides à la saisie : patrons d’écriture, vérificateurs d’orthographe, prédiction et proposition de mots pour une écriture plus rapide. En plus des outils fournis nativement par les ordinateurs, téléphones ou tablettes, il y a aujourd’hui une grande offre sur le marché pour aller encore plus loin.
Sensibilisation et éducation sont aussi primordiales pour offrir compréhension, patience et adaptations accrues de la part des personnes lors de la communication.
Supporter des projets comme le Speech Accessibility Project, qui est en train de créer une grande base de données sur le langage atypique, peut servir à améliorer les solutions d’aide aux personnes avec un handicap de la parole.
Conclusion
Il y a donc bien un rapport direct entre accessibilité numérique et handicap de la parole. Les nouvelles technologies ont offert aux personnes concernées de nombreux moyens de communiquer. L’e-mail, les tchats, les SMS sont désormais disponibles là où il n’y avait bien souvent que le téléphone pour une communication à distance en temps réel.
Les innovations comme la reconnaissance vocale peuvent être très utiles et aider les personnes qui ont d’autres types de handicaps. En revanche, nous devons rester vigilants. En effet, si elles ne sont pas développées de manière inclusive, elles peuvent devenir un obstacle et créer une situation de handicap pour quelqu’un d’autre.
Pour nous assurer de n’exclure personne, nous devons systématiquement proposer plusieurs alternatives pour que tout le monde puisse trouver celle qui lui convient le mieux. C’est une application de la Conception Universelle.
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