Autisme et accessibilité numérique sur les sites web au quotidien

Introduction

L’accessibilité numérique signifie que les sites web, applications, outils et technologies sont conçus et développés afin que les personnes handicapées puissent y accéder librement et facilement.

Elle concerne tous les types de handicaps :

  • Auditif,
  • cognitif,
  • neurologique,
  • physique,
  • de la parole,
  • visuel.

Mais les personnes valides peuvent également en bénéficier. (Source de la définition sur le site du W3C)

À ma connaissance, très peu d’articles ou de vidéos existent sur le sujet. La majorité des critères RGAA (Référentiel Général d’amélioration de l’accessibilité) et WCAG (Web Content Accessibility Guidelines) mettent en avant les handicaps visuels, physiques et auditifs.

Ils mettent moins en avant le handicap cognitif et en particulier l’autisme.

Dans cet article, nous allons voir comment les personnes autistes vivent l’accessibilité numérique au quotidien à travers leurs navigations sur les sites web.

Tout d’abord, nous allons faire un petit rappel sur la définition de l’autisme.

Puis, nous allons nous plonger très rapidement sur les coulisses de la préparation du questionnaire afin de recueillir l’avis des personnes autistes sur leur utilisation des sites web.

Ensuite, nous aurons l’avis des personnes autistes à travers leurs interviews.

Enfin, nous relèverons les critères RGAA et WCAG pouvant correspondre à l’autisme suite aux interviews.

Définition de l’autisme

Pour commencer, il faut savoir qu’il existe de nombreuses définitions sur l’autisme avec des visions plus ou moins différentes selon le contexte dans lequel il est décrit.

Je vais donner une définition rapide et globale.

Tout d’abord, il faut savoir que l’autisme ou le Trouble du spectre Autistique (TSA) n’est pas une maladie. Il ne se guérit pas.

Il est considéré comme étant un handicap, un trouble neuro-développemental pour être plus exact.

L’autisme peut être considéré comme étant un handicap évolutif, du fait que certaines particularités peuvent être améliorées selon l’environnement dans lequel la personne autiste se trouve.

L’autisme peut se caractériser par :

  • Une autre manière de percevoir l’environnement qui l’entoure.
  • De l’hyper ou de l’hyposensibilité (Ne pas ressentir de sensibilité).
  • Des intérêts restreints investis pleinement (exemple : être fan des trains et en parler pendant des heures).
  • Des soucis au niveau des interactions sociales.
  • Des gestes répétitifs et routiniers au quotidien.
  • Chaque personne autiste est différente et a ses propres particularités.

Aujourd’hui, toutes les formes d’autismes ont été regroupées sous l’appellation TSA (Trouble du spectre Autistique). De plus, il peut être visible comme il peut être invisible pour les personnes autistes.

Préparation du questionnaire

Pour rédiger cet article, il fallait que je connaisse l’avis des personnes concernées. C’est pour cela que je me suis tout naturellement tournée vers certains de mes collègues autistes travaillant à Urbilog et Compéthance.

Sur les cinq personnes interrogées, trois sont développeuses ou développeurs web et deux personnes sont auditrices ou auditeurs en accessibilité numérique.

Une des craintes concernant la préparation du questionnaire était de savoir si certaines questions n’allaient pas être trop ouvertes du fait que certaines personnes autistes aiment bien répondre par Oui ou par Non.

Il n’était pas question de ne poser que des questions fermées. C’est pourquoi, j’ai mélangé des questions où il y avait plusieurs possibilités de réponses et d’autres où les types d’exemples étaient clairement évoqués.

Les questions étaient soit posées à l’écrit sur un formulaire Google Form ou à l’oral. Quatre personnes l’ont rempli tandis qu’une personne a répondu à l’oral.

Une seule personne a voulu rester anonyme. Toutes les autres ont accepté que leurs noms soient ajoutés lors de l’interview.

La perception des sites web par les personnes autistes au quotidien

Dix questions ont été posées à mes collègues autistes sur l’utilisation qu’ils font des sites web au quotidien. Les personnes qui ont participé au questionnaire sont François, Pierre, et j’appellerai B., L. et M. les personnes qui ont voulu rester anonymes.

1. Sur quels supports numériques utilises-tu internet au quotidien ?

  • Téléphone portable :
    • L.
    • Pierre
    • François (En second)
    • M.
    • B.
  • Ordinateur :
    • L.
    • Pierre
    • François (En premier)
    • B.
  • Tablette
    • B.

2. Sur quel support numérique te sens-tu le plus à l’aise ? Pourquoi ?

Pierre : Ordinateur parce que j’ai un plus grand écran et on a accès à plus de fonctionnalités

L. :

Pc parce que j’aime bien pouvoir zoomer, jongler entre plusieurs onglets… mais dans la pratique j’utilise plus le téléphone portable, car c’est à portée de main pour regarder une info ou les réseaux sociaux

M. : Iphone car toujours sur moi

B. :

Le téléphone parce que c’est pratique de l’avoir toujours sous la main ou l’ordinateur parce qu’on a plus de libertés d’utilisation (les applications mobiles ont souvent moins d’options disponibles que les versions web).

On peut utiliser deux écrans, choisir son matériel, avoir plusieurs fenêtres ouvertes en même temps plus facilement et naviguer au clavier

François : Ordinateur car problème de dextérité (Capacité à accomplir une action manuelle avec son doigt) fine sur le téléphone

3. Sur quels types de sites web (exemple : réseaux sociaux, achats, vidéos, actualités, jeux, vie quotidienne…) préfères-tu aller au quotidien ?

Pierre : Facebook, Outlook, Météo, YouTube

L. : Réseaux sociaux / achats / actualités

M. : Pinterest, Medium, Journal du net, les échos, challenges…

B. : Réseaux sociaux (Twitter), Wikipédia, YouTube

François : Tous les exemples cités sur la question

4. Qu’as-tu besoin pour que le site soit accessible, compréhensible et facile d’accès ?

Pierre : Rien d’autre qu’une connexion Internet

L. : Pas de modales qui pop (ça me fait souvent fermer le site), ni de vidéos ou d’images qui clignotent, pas d’informations partout

M. : Pas de popin de pub qui s’affiche tout seul au chargement de la page et qui prend l’ensemble de la fenêtre

B. :

Pas trop d’animations, que les questions soient claires quand le site demande des inputs utilisateur, que les liens et boutons soient explicites et facilement repérables dans la page

Pas obligatoire, mais j’aime bien naviguer au clavier et utiliser des raccourcis du coup je suis plus à l’aise sur les sites où c’est possible

François :

Une interface cohérente, des textes concis et bien espacés (Pas de gros pavés). Puis, dans la page Inscription et login, quand il n’est pas possible de copier-coller les données sur les champs de formulaires

5. Utilises-tu des outils (applications, technologies d’assistance, décoration…) ou aides particulières lorsque tu es sur un site web ? Lesquels ?

Pierre, L. et M. n’en utilisent pas. B. utilise le mode sombre sur plusieurs applications et les sous-titres sur les vidéos.

Tandis que François utilise le zoom et le gestionnaire de mot de passe.

6. Un exemple d’une bonne expérience au quotidien sur un site web sur lequel tu es à l’aise ? (nom du site web ou type du site web si vous le voulez) Pourquoi ?

Pierre : Youtube. Je m’en sers beaucoup pour écouter les chansons que j’aime

L. :

Un site web clair, avec des catégories bien rangées, des textes explicites et une organisation aérée.

B. :

Youtube, l’interface est très visuelle et il y a beaucoup d’options pour faciliter la lecture des vidéos (changement de la vitesse de lecture, sous-titres, retour en arrière)

M. et François n’ont pas donné de réponses.

7. Un exemple d’une mauvaise expérience au quotidien sur un site web sur lequel tu es mal à l’aise ? (nom du site web ou type du site web) Pourquoi ?

Pierre : Il n’y en a pas

L. : Je n’ai pas trop d’idée mais tous les sites qui ont trop d’informations partout et qui m’empêchent d’accéder à ce que je veux.

M. : FNAC (trop de contenu partout)

B. :

Le site de la CAF parce que les formulaires pour faire les demandes et déclarations sont incompréhensibles.

L’interface d’Amazon, car je mets souvent du temps à trouver les infos dont j’ai besoin (retrouver le suivi de commandes par exemple) et il y a trop d’informations en même temps à l’écran.

François :

Des sites avec tout plein de pavés, de trucs d’informations sur le côté. Il y a également l’exemple du site La redoute avec le problème de l’infobulle à utiliser.

8. Quels types de contenus sur un site web te semblent les plus utiles ? (exemple : textes, images, vidéos, infographies…)

  • Textes
    • Tout le monde
  • Images
    • Pierre
    • L.
    • François
  • Vidéos
    • Pierre
    • B.
    • François
  • Infographies
    • B.
    • François

De plus, François a précisé que ces contenus dépendaient du visuel et textuel des sites web.

9. As-tu des pistes d’améliorations pour que les sites web soient plus accessibles ?

Pierre et M. ont répondu « Non ».

L. : Pas de choses qui flashent comme des vidéos ou des images, une attention portée à l’organisation de l’information pour que ça soit clair.

B. :

Que tout le site soit navigable au clavier ce serait déjà un grand pas en avant. Que les liens, les boutons, les labels des champs de formulaires soient compréhensibles. Éviter le texte en trop petit et bien aérer la présentation

François : Une interface plus cohérente, plus légère et des textes plus découpés.

10. Est-ce que tu trouves en général que les sites web sont accessibles pour toi et seulement toi ? Pourquoi ?

Pierre : Non

L. :

Oui. Certaines choses me perturbent et ça me semble lié à mon autisme, mais malgré cela, je ne me sens pas impactée fortement non plus,

Par exemple ça ne m’empêche pas d’utiliser le site quand même ou de mener à bien l’action que je souhaitais (sauf vraiment s’il y a trop de modales qui pop ou de flashs),

Donc en soi je considère que les sites sont accessibles pour moi et je ne rencontre pas de problèmes bloquants au quotidien dans mon utilisation des sites web

M. : Trop de contenus sur les sites plus pub partout

B. :

Globalement oui, à part certains formulaires pas explicites, les problèmes que je rencontre sur le web sont plus une question de confort que d’accessibilité.

François : 510, De manière mitigée.

Critères WCAG et RGAA correspondant à l’amélioration des sites web pour les personnes autistes

Définition des référentiels WCAG et RGAA

À travers ces différentes réponses, nous pouvons relever que certaines difficultés sont liées en partie à l’usage mais également à la non prise en compte de l’accessibilité numérique.

Avant de lister les anomalies relevées lors des témoignages, je vais expliquer très rapidement ce que sont les WCAG et le RGAA.

WCAG signifie Web Content Accessibility Guidelines. C’est un standard international contenant quatre-vingt-sept critères de succès et quatre principes (Perceptible, Utilisable, Compréhensible et Robuste) à appliquer sur les sites web afin qu’ils soient accessibles.

Il fonctionne avec des niveaux allant du simple A au triple AAA. C’est-à-dire du critère ayant un minimum de conformité pour les critères simples A, puis de ceux permettant de proposer un niveau d’accessibilité pour les critères double AA.

Les critères triple AAA sont spécifiques à certains types de handicaps et ne peuvent pas forcément être applicables pour tous les contenus provenant des sites web.

WCAG est actuellement à la version 2.2 depuis le 5 octobre 2023.

Le RGAA (Référentiel Général d’amélioration de l’accessibilité) est la méthode d’application française du WCAG (Web Content Accessibility Guidelines). Il se compose de cent-six critères répartis sur treize thématiques :

  • Images
  • Cadres
  • Couleurs
  • Multimédia
  • Tableaux
  • Liens
  • Scripts
  • Éléments obligatoires
  • Structuration de l’information
  • Présentation de l’information
  • Formulaires
  • Navigation
  • Consultation

D’ailleurs, certains critères du WCAG ne sont pas repris dans le RGAA. Sa version est la 4.1.2 depuis le 18 avril 2023.

Critères WCAG et RGAA associés aux différents témoignages des personnes autistes

Suite aux différents témoignages relevés par les personnes autistes, nous allons lister les critères RGAA associés aux critères WCAG.

Les soucis rencontrés au quotidien sur les sites web étaient :

  • L’apparition soudaine des pop-ups visibles lorsque l’utilisateur arrive sur une page web ; ceci fait référence :
    • Au critère 13.2 du RGAA 4.1.
    • Au critère 3.2.1 « Au focus » provenant des WCAG 2,2 concernant entre autres l’ouverture d’une nouvelle fenêtre qui doit automatiquement être déclenchée par l’utilisateur.
  • Les animations et les contenus clignotants ; ceci fait référence :
    • Au critère 13.8 du RGAA 4.1.
    • Au critère 2.2.2 « Mettre en pause, arrêter, masquer » du WCAG 2.2 concernant les contenus en mouvement ou clignotant qui doivent être contrôlables par l’utilisateur.
  • Des blocs de textes trop longs ; ceci fait référence :
    • Au critère 1.4.8 « Présentation visuelle » présent sur le site du WCAG 2.2 concernant la largeur du bloc de texte qui ne doit pas excéder quatre-vingts caractères. Il était présent auparavant sur le critère 10.11 de l’ancienne version du RGAA 3.2017.
  • Des questions incompréhensibles sur les formulaires ; ceci fait référence :
    • Au critère 11.2 du RGAA 4.1 concernant la pertinence des étiquettes de saisie dans des champs de formulaire.
    • Au critère 2.4.6 « En-têtes et étiquettes » décrivant le sujet ou le but des en-têtes et des étiquettes pour le WCAG 2.2.
  • Des liens non explicites ; ceci fait référence :
    • Au critère 6.1 du RGAA 4.1.
    • Au critère 2.4.4 « Fonction du lien (selon le contexte) » pour les liens explicites.
  • Des boutons non pertinents ; ceci fait référence :
    • Au critère 11.9 du RGAA 4.1.
    • Au critère 4.1.2 « Nom, rôle et valeur » pour la pertinence des boutons sur le WCAG 2.2.
  • Une mauvaise navigation au clavier optionnellement ; ceci fait référence :
    • Aux critères 7.3 et 10.7 du RGAA 4.1.
    • Au critère 2.1.1 « Clavier » pour l’utilisation de la navigation clavier.
    • Au critère 2.4.7 « Visibilité du focus » du WCAG 2,2 pour la visibilité de la prise de focus.

En conclusion

Cet article liste, de façon non-exhaustive, les soucis rencontrés au quotidien par les personnes autistes sur les sites web. Cependant, tous les problèmes que les personnes autistes peuvent rencontrer n’ont pas été cités, comme, par exemple, la présence d’un menu de navigation sur chaque page web qui peut être très utile à ces utilisatrices et utilisateurs mais qui ne semblent pas gêner mes collègues.

De plus, l’analyse des réponses au questionnaire permet de mettre en lumière que l’accessibilité numérique concerne vraiment tous les handicaps, et, en particulier, les handicaps invisibles dont fait partie l’autisme.

Il n’est plus possible de laisser un commentaire sur les articles mais la discussion continue sur les réseaux sociaux :