Manifeste de l’inclusion des femmes de la tech : l’empouvoirement par toutes et tous

Bonjour à toustes, c’est Marcy et je reprends la plume cette année avec un nouveau sujet d’inclusion ! Je suis trop contente de vous parler à nouveau.

Je vous retrouve avec un sujet plus que d’actualité et franchement assumé d’ailleurs. J’ai décidé de vous parler de féminisme. Oui, parce qu’il en faut dans la tech désormais. Je me permets d’en parler puisque je me suis embarquée sur scène avec ce sujet. Et quand je parle de scène, je parle évidemment des différents endroits qui ont accueilli plus ou moins chaleureusement ma conférence intitulée « Pourquoi vous n’attirerez et ne retiendrez pas les femmes dans la tech ». Quand je dis plus ou moins chaleureusement, je parle évidemment des personnes qui y ont assisté, en réel dans le public ou en ligne. Parler de ce genre de sujet quand on n’a pas la langue dans sa poche, quand on prend de l’espace médiatique dans un pur acte militant, n’est pas forcément bien vu par tous.

Certains estiment que ce sujet n’est pas assez tech.

Pourtant, le social, et notamment l’inclusion des femmes dans un milieu dominé par les hommes actuellement, l’est totalement. Sinon, cette conférence ne naviguerait pas en France métropolitaine et en Europe. Il y a un intérêt, qui dépasse la philanthropie : il y a en vrai, un véritable besoin d’être entendue quand on est une femme dans le milieu. Un besoin légitime d’être écoutée.

Mais apparemment, pour cela, il y aurait le ton, l’art, et la manière.

Ce n’est pas sous couvert de tone policing (aussi appelé modération du ton en français, qui n’est autre qu’un paralogisme, sophisme consistant à détourner les auditeurices ou lecteurices du sens d’un message pour les focaliser sur l’émotivité, l’agressivité ou plus généralement l’irrationnalité, réelle ou supposée, de la personne ayant dit ou écrit le message, dans le but de le discréditer) qu’on arrivera à faire entendre les demandes des femmes de ce secteur.

Ce qui a donné la genèse de ce projet, c’est une émission sur les profils atypiques que j’ai piloté en 2020 et la façon dont on pouvait les intégrer et en faire des rôles modèles. Puis, c’est l’animation d’une table ronde à Euratechnologies (Lille) le 25 mars de l’année dernière, au sujet de l’entrepreunariat féminin dans la tech, qui a mis en évidence beaucoup de certaines de mes intuitions. Aussi, ce sont mes différentes intersections qui appuient ce que je partage dans cette conférence : les couches se superposent sur mon identité. Je suis racisée, LGBT+, atteinte d’une pathologie chronique… Tant de variables que je ne citerai pas toutes, mais qui d’une certaine manière contribuent lourdement à ma vision inclusive du problème. S’ajoutent également mes lectures et les différents retours des femmes sur le sujet. Leurs joies comme leurs peines, mais aussi leurs colères.

Voilà ce que j’en retire pour les ingrédients d’un manifeste en faveur de l’inclusion des femmes dans vos équipes tech.

Être femme dans la tech : une démarche d’empouvoirement constante.

Lors de mes échanges avec les différentes participantes lors de cette table ronde l’année dernière, sur toute l’année 2022, s’est quand même retenu ce truc évident : les femmes ne se sentent que très rarement légitimes. Quoi, vous ne trouvez pas ça fou ? Et ne venez pas me parler de syndrome de l’imposteur. Parce qu’on peut être femme et ne pas avoir le syndrome de l’imposteur, comme être femme et l’avoir et là, c’est la double peine.

Bien que ce ne soit pas mon cas, je comprends parfaitement le schéma sinistre dans lequel s’inscrit ce parcours du combattant. Non. De la combattante. Parce que, même si l’on se sent légitimes, on doute, ou l’on va nous faire douter. Alors, il faut se faire confiance quand on se lance dans un projet aussi éloigné que la tech quand on est une femme.

L’école, les filles et la tech.

Déjà, on ne nous attend pas dans ce secteur. Pourquoi ? Et bien, ça commence à l’école. Du moins pour les milléniaux. On ne nous proposait que très rarement des secteurs dits « masculins » en première intention. Il était bien vu d’incarner une littéraire pensive plutôt qu’une pionnière des évolutions du langage informatique (ou une pro de la scie circulaire).

Aussi (dans mes lointains souvenirs du lycée, moment fatidique de « l’après », en soirée entre amis ou RDV en terrasse), j’ai peu souvent entendu une femme déclarer « je vais dans la tech » ou « je vais faire de l’informatique ».

On nous poussait allégrement faire des études de langues, des études de droit, d’info-com… mais la tech ? L’ingénieurie ? C’était vraiment vu comme le lieu des parias pour les plus populaires. J’ai encore en souvenir qu’on appelait ceux qui y allaient des no-life. En fait, c’est assez étrange de se dire tout ça puisqu’il y a pourtant des femmes qui choisissent des études supérieures orientées dans ces secteurs. Mais c’était si rare, réservé à une catégorie de fille relativement stéréotypée, qu’on ne nous montrait pas ça à nous, la masse de la génération Y, lorsque nous faisions nos choix d’orientation.

Alors, peut-être n’étais-je pas au bon endroit, au bon moment pour ne pas avoir entendu ces confirmations. J’ose émettre le doute. Mais dans ce cas, pourquoi les femmes dans la tech semblaient si peu visibles il y a encore peu de temps, et pourquoi ma génération semble incarner un creux de vague, qui revient à grands coups de réorientation via des formations courtes à des âges plus avancés ?

Pas besoin de déguisement pour se sentir en phase avec son milieu.

Le plafond de verre commence là aussi. Il y a, couplé à ce drôle d’effet, ce manque de légitimité sous-jacent qui ne nous met pas forcément hyper à l’aise (le « nous » vaut pour les femmes en général, vous l’aurez compris). Il y a forcément les petites remarques, l’envie de se mettre dans le moule, porter un « déguisement » pour les éviter. Quand je dis déguisement, c’est tout ce qui serait contraire à votre véritable style, tout ce qui répondrait à votre façon de cacher ce qui dérange dans votre féminité ; ou du moins ce qui appelle à la petite remarque au bureau, à la petite interjection qui n’a rien à faire là.

Je suis curieuse de savoir combien de femmes ont troqué des codes vestimentaires féminins pour un style plus nerd, plus geek afin de paraître plus crédible. Je lance les paris avec une certitude certaine. Hélas, tout cela est assez ironique finalement. Surtout quand on sait que les femmes occupaient au début du siècle dernier jusqu’à 50% des effectifs dans la programmation informatique. Aussi, que le premier programme de développement créé en 1843 est l’œuvre d’Ada Lovelace.

Ada, qui alliait style féminin ++ et amour des mathématiques. Comme quoi, on peut porter du rouge à lèvres et un boa en plumes, être hyper girly sans être dénuée de qualités cognitives indiscutables. On peut être femme de 1001 manières, et cela dans la diversité la plus totale même dans les différents rôles modèles que l’on choisit par ethnicité, culture, âge ; et cela ne nous rend pas moins crédible pour faire notre travail. Ni moins compétentes. Ce sont vos préconceptions des femmes dans vos équipes, précédées d’un imaginaire issu des rares femmes des filières scientifiques, d’écoles d’ingé que vous avez pu rencontrer, qui façonnent toutes les remarques, les regards que l’on se prend au visage, et sur nos corps.

Alors je vous rassure : porter une jupe ne nous fait pas sauter des neurones. Au même titre que la coupe afro est tout à fait professionnelle : arborer une robe pendant qu’on code ou qu’on fait des user cases ou des revues de code ne nous rend pas moins aptes. En clair : le manque d’authenticité de nos féminités multiples, ça peut nous faire mal souvent et on ne le dira que parfois.

Et si on en a marre, on quittera votre équipe. Voire la tech, avant nos 35 ans, comme c’est le cas pour une femme sur deux dans cet écosystème.

Quel accompagnement peut-on mettre en place ?

Parce que faire l’étalage de faits observés est une chose, apporter des solutions en est une autre. Bien évidemment, je ne décris pas ci-dessous une to do list parfaite mais bien des éléments de réflexion à étoffer à votre guise. Je serais d’ailleurs très contente qu’on en discute sur Twitter ou LinkedIn.

La discrimination positive.

Déjà, mettre en place de la discrimination positive quand on peut, même si le concept vous semble étrange voire inadéquat, peut se révéler fructueux. Damien Cavaillès, cofondateur de Welovedevs expliquait à l’époque la démarche des quotas dans la tech et expliquait comment, en mettant en place ce process, il avait réussi à capter davantage de futurs collaborateurices (calmez-vous, haha, écrire en inclusif ne tue pas) au plein potentiel. Pensez-vous que cela eut-il été possible si cette discrimination ne fut pas mise en place ? Mais que nenni ! Je suis persuadée que parfois, mettre en œuvre de la discrimination dans le bon sens, nous force à sortir de nos biais de confirmation. Bien sûr, l’idée n’est pas d’être engagée parce que vous êtes une femme. Non. L’idée, c’est d’être une femme qui représente le mieux la fiche de poste. Là où on aurait forcément pensé à embaucher un homme, on pense à vous. Et cette réflexion est multiple : vous pouvez l’appliquer à l’origine ethnique, sociale, scolaire, au genre aussi. C’est laisser la place à celui qui la prendra dans le confort social le plus habituel, et ça, ça change tout.

Adopter des comportements qui valorisent les femmes.

Alors, ça peut vous paraître fou. Mais on ne requiert pas les mêmes choses ni la même attention en tant que femme. Si nous sommes invisibilisées, alors créons, créez, un petit spotlight où on peut se mettre et prendre enfin place. Je ne dis pas de nous confondre avec des petites choses fragiles mais bien d’encourager les femmes à se sentir à la place qui leur revient ; et d’être reconnues pour ça. Nous n’avons pas forcément les mêmes occasions de prendre la parole de la même manière que nos collègues masculins. Nous n’allons pas être mises en avant dans notre travail de la même façon non plus. J’imagine que les secteurs davantage féminins ne font pas face à ses problématiques (par exemple : le graphisme, la couture, la mode, les RHs, etc.) ou du moins, les modèrent davantage. Si vous êtes un homme dans un secteur d’homme avec peu d’effectifs féminins, soyez attentifs ! Ne pas couper la parole, attribuer le travail à la femme qui l’a fait, redonner l’idée à celle qui l’émet, penser à des activités d’équipe qui fédèrent qui ne sont pas masculines (oui, stop FIFA et baby-foot, bière/pizzas, changez un peu !), penser à la parentalité des femmes au travail, aménager une semaine de 4 jours/5 pour les parents, féminiser les titres de poste, soutenir les femmes qui veulent donner des conférences ou y aller en avançant les frais.

Reconnaître les moments de malaise, s’adapter et créer un espace safe pour en parler.

Quand je dis adapter, je parle de vraies mesures. Au même titre qu’avoir des mesures adaptées pour les parents, les aidants… Pourquoi pas aux femmes ? D’ailleurs, d’un point de vue physiologique, il est aussi à entrevoir une nette différence, prouvée scientifiquement, quant à l’efficacité des femmes lors des différentes phases des cycles menstruels. Il m’est déjà arrivé de dire en réunion que je ne me sentais pas du tout bien à cause de ça. Quand on a l’impression d’avoir un champ de bataille dans le bas du ventre et des bouffées de chaleur, normal que je prévienne et que j’explique ma baisse d’attention. Répondre à cette chose indépendante de ma volonté, ne veut pas dire que je ne sais pas faire mon travail, juste que si un de mes collègues avait lui, par exemple, une énorme migraine ophtalmique, il n’hésiterait pas à le dire pour expliquer son malaise, et il serait écouté. Alors pourquoi ne pas nous écouter et mettre en place un congé menstruel quand certaines femmes ont la sensation d’avoir un poids lourd sur les ovaires ?
Alors oui, c’est peut-être gênant, mais c’est la nature. Alors sorry, deal with it et on évite les railleries pour créer du confort pour nous, vos collègues femmes 🤗.

Et ce cas, on peut l’imaginer avec les femmes qui deviennent mamans, qui ont des coulées de lait en plein open space, celles qui n’ont pas de protection hygiénique, celles qui supportent très mal le moyen de conception que leur attribue l’inégalité femmes-hommes. Je vous laisse méditer là-dessus (oui, à la vasectomie).

D’ailleurs, pour les femmes qui se lancent en tant que rôles modèles ; il faut aussi songer à assurer leur sécurité, avec un code of conduct, des intervenants et intervenantes formés aux risques sexistes, racistes, validistes, IRL comme en ligne. Que ce soit en conférences ou en campagne de marque employeur, comme en interview : si le sujet est social, songez s’il vous plaît à fermer les commentaires. Rien de pire que de voir s’abattre sur soi une tempête misogyne.

Quels constats ?

Encore une fois, tout le monde se veut bienveillant dans ce milieu, mais tout le monde ne l’est pas en pratique. Parfois, survivre, vivre en tant que femme ou en tant que minorité nous fait même adopter des comportements qui ne le sont pas. Cependant, il faut qu’ensemble, tous et toutes, en dépit de nos différences, nous pensions activement à l’empouvoirement des femmes et de la diversité en général dans la tech.

Il faut penser, ensemble, à cet empouvoirement comme une providence. Nous faisons tout un chacun des choix, des expériences professionnelles et personnelles qui nous donnent matière à réfléchir. Aussi, à mûrir ces sujets. Nous devons en parler ensemble en daily meeting, à des journées dédiées, se faire accompagner sur ces questions. 

Il est indispensable en revanche que des personnes de votre entreprise ou ailleurs, dans des cercles de paroles, dans la tech militante soient des moteurs du changement. Et ce changement doit viser simultanément :

  • Une meilleure visibilité des femmes dans la tech ;
  • La reconnaissance du caractère distinctif qu’elles incarnent ;
  • La responsabilité des acteurices engagés sur ces questions ;
  • La mise de côté de son ego pour la cause ;
  • Assurer constamment la sécurité des femmes, en tout lieu et en tout acte, pour qu’elles soient reconnues et respectées.

J’aimerais aussi le dire : personne, femme ou homme, n’est parfait sur ces questions-là. Ce n’est pas un drame. Le tout, c’est d’avoir l’intelligence d’être à l’écoute et l’intelligence d’expliquer pour faire bouger les lignes.

Quels résultats ?

Alors, d’un point de vue personnel, comme je vous le disais plus haut : être une femme, racisée, LGBTQIA+, en charge de la ligne édito et de la pré-prod’ d’émissions et aujourd’hui en plus de cela, consultante en inclusion, c’est à mon sens une force.

Chaque sujet abordé avec mes clients est réfléchi dans toutes les dimensions ; je m’assure évidemment qu’on ne heurte personne, mais surtout, qu’on représente tout le monde. Évidemment, ceux qui seraient offusqués par notre engagement textuel sont souvent les moins concernés. Vous verrez donc de l’écriture inclusive et des iel dans les travaux que je mets en place.

Parce que chacun n’est pas masculin et hétéro par défaut. Et c’est avec conviction que je le dis : il faut de la place pour tout le monde. Pour moi, l’empouvoirement providence n’est pas que le haut lieu sacro-saint des femmes ; grâce à nos engagements communs, nous nous permettons d’ouvrir par la résolution de cette problématique des femmes dans la tech, la porte à d’autres personnes de tous horizons confondus.

Enfin, et ce sera mon dernier point : je crois que c’est en cela que briser le plafond de verre par notre prisme est une des clés de voûte qui soutient grand nombre de participants à la course de l’empouvoirement dans la tech.

Toutes minorités confondues. Allez, on part ensemble kicker les préjugés et les inégalités. Viens qu’on mette de l’ordre pour créer de la bienveillance. Pour de vrai. Let’s go.

1 commentaires sur cet article

  1. Magali Milbergue, le 24 décembre 2022 à 10:23

    Bon bah... Y a plus qu'à ! Merci Marcy !

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