Utiliser des thèmes WordPress tout faits : une bonne idée ?

J’aime beaucoup WordPress. Je pense que ça vient de mon apprentissage et de mes années de freelance. Plus de neuf projets sur dix sur lesquels j’ai travaillé ces années-là étaient sous WordPress. Et pour cause, une fois le CMS compris, il est facile à personnaliser et jouit d’une bonne popularité auprès des clients(es) et des acteurs(rices) du web. Cet outil bénéficie d’une communauté active. Il est accessible à tout le monde dans le sens où il ne demande pas de compétence technique spécifique pour s’en servir. Bref, c’est un outil très pratique. J’ai pu l’utiliser pour des projets à mon compte, en agence, et même personnels. Je parle ici de thèmes payants, ceux pour lesquels il faut débourser quelques euros pour les obtenir. En effet, bien souvent, un des premiers choix à réaliser dans le processus de conception d’un site porte sur le thème. Doit-on en développer un ou devons-nous utiliser un thème payant ? Les thèmes payants, c’est beau, ça fait le café et – on ne va pas se mentir – ce n’est pas cher. Seulement, voilà, ce n’est pas aussi simple. Le choix d’un thème tout fait n’est pas anodin. Opter pour cette solution a des effets pour le client(e), pour l’agence, et enfin pour l’utilisateur(rice). Voyez plutôt.

Choisir un thème payant, qu’est-ce que ça change pour la cliente ou le client ?

Côté client(e), choisir un thème payant est synonyme d’une créa sympa à n’en pas douter, de fonctionnalités à gogo et de la possibilité de personnaliser le site.

L’assurance d’une esthétique plaisante

La créa des thèmes payants est travaillée. On y trouve une unité graphique cohérente qui a de l’allure. Cela permet d’obtenir facilement un site au rendu professionnel, avec les éléments de base déjà stylisés comme les boutons, les formulaires, les titres, etc. Parmi la diversité des thèmes, chacun trouvera bien celui qui colle à son univers et lui permettra de le médiatiser auprès des utilisateurs et utilisatrices. Pas de doute, le graphisme des thèmes payants est conçu pour plaire au plus grand nombre. En revanche, un œil aguerri verra une grande homogénéité parmi les sites, car il saura reconnaître ceux qui utilisent le même thème.

Des fonctionnalités : en veux-tu, en voilà !

Les thèmes payants sont très complets et proposent plusieurs fonctionnalités : boutique en ligne, newsletter, présentation de portfolio, événements, etc. La cliente ou le client a donc de grandes chances, en cherchant une de ces fonctionnalités communes, de la trouver facilement. Or, la plupart du temps, iel n’utilise qu’un petit nombre de ces fonctionnalités. Résultat, l’interface d’administration du site est surchargée. Le flot de fonctionnalités alourdit le thème et augmente le nombre d’extensions nécessaires à son fonctionnement, au détriment de l’expérience de contribution et des performances du site.

Par ailleurs, comme les fonctionnalités sont déjà développées, il suffit de trouver un thème qui se rapproche le plus possible du besoin initial. Et là, on touche à l’un des premiers problèmes des thèmes tout faits : c’est le contenu qui s’adapte au thème, non l’inverse. La cliente ou le client est contraint d’adapter sa communication au format prévu par le thème. Ce qui fait de WordPress, au final, plus une plateforme de publication plutôt qu’un CMS. Ainsi, j’ai déjà vu un client utiliser un carrousel pour mettre du contenu qu’il aurait valorisé autrement s’il avait pu. Si le besoin initial ne correspond pas tout à fait à ce que le thème propose, il nous faut faire avec, ou mettre à jour le thème via un thème enfant par exemple. Cependant, cette dernière option peut augmenter les coûts.

Le constructeur de page serait au web ce que Tetris est à la Game Boy

Autre point, l’utilisation des constructeurs de page (« pages builders ») permet une personnalisation très complète des pages. Mais il peut aussi être rebutant pour des néophytes. Le constructeur de page complexifie la création de contenu. Au lieu de passer par du contenu, la cliente ou le client doit ajouter, imbriquer et paramétrer les composants de la page. Combien de clients(es) nous appellent parce qu’iels ont supprimé par mégarde une section ? Combien ne veulent pas toucher le contenu ? Combien changent réellement le contenu des pages une fois le site mis en ligne ?

À Simplon Prod, on a plusieurs thèmes qui utilisent des constructeurs de page, à l’image d’Elementor. Laisser la possibilité au client(e) de gérer son propre design au sein des pages peut sembler être une bonne idée, mais, personnellement, je préfère garder la main sur le code. Le métier de la cliente ou du client n’est ni le design, ni le développement web : à chacun son métier. Derrière un import de contenu peut se cacher de l’import de code HTML non désiré. Un paramétrage malheureux peut dénaturer un élément qui perd alors son caractère accessible.

On le voit, le choix de recourir à un thème payant n’est pas neutre pour la cliente ou le client. Et c’est peu dire côté agence.

Choisir un thème payant, quel impact pour l’agence ?

Côté agence, il résulte de ce parti pris la nécessité d’adapter son process habituel, avec son lot de bonnes et de mauvaises surprises.

Le support, point fort de la solution payante

L’un des avantages des thèmes payants, c’est le support. Du moins, la plupart du temps. En effet, l’achat d’un thème permet d’avoir accès à une équipe technique en cas de question ou de soucis. Et à chaque fois que nous les avons contactés, nous avons eu affaire à des équipes réactives qui connaissent bien le thème et ses points de difficulté éventuels. On peut donc dire que l’achat d’un thème payant inclut le support technique à un prix minime.

Les thèmes payants et leur multitude d’extensions

Cette solution inclut un nombre d’extensions ultra élevé : entre vingt-et-un et quatre-vingt-quatre à Simplon Prod, véridique ! Parfois, un thème oblige à installer des extensions qui ne servent pas à la cliente/au client. Chaque extension a son code, sa compatibilité avec les autres extensions, ses mises à jour et ses failles de sécurité. En plus, si ce sont des extensions présentes sur le front office, ils ont leurs propres ressources (CSS, JavaScript, etc.), et leur propre code. Cela impacte plusieurs domaines. Pour la maintenance, les mises à jour sont compliquées par les dépendances. Concernant la performance, plus on charge de ressources, plus le site est lourd. Enfin, le code de l’extension est-il accessible ? À titre de comparaison, nous utilisons une dizaine d’extensions en moyenne pour un thème personnalisé à la Simplon Prod.

Une surcharge de code parfois complexe, voire impossible

Nous pouvons être amenés à modifier le thème via, par exemple, un thème enfant pour l’adapter à un besoin du client non couvert. Ces modifications sont parfois complexes, éventuellement hasardeuses. Où est situé le code à changer dans le thème ? Pouvons-nous le surcharger simplement, ou cela engendrera-t-il des impacts en cascade sur d’autres fichiers ? Cela va-t-il générer des régressions ? Je l’avoue, il m’est déjà arrivé de faire des surcharges en JavaScript car il nous était impossible de modifier un gabarit. C’est moche et ça rend la maintenance complexe !

Pour insérer d’autres fonctionnalités, il nous est parfois plus simple d’ajouter de nouvelles extensions. C’est le cas par exemple pour la création de nouveaux types de contenus, ou l’introduction d’un carrousel. Et qui dit plus d’extensions, dit complications supplémentaires.

La gestion des versions rendue difficile par la contribution

Le thème propose une personnalisation qui se fait donc dans la base de données, et non dans le code. C’est la contribution. La mise en place d’un site à partir d’un thème existant demande ainsi surtout de la contribution, et ça rend la gestion des versions compliquée. La contribution est à l’origine de problèmes de versions de base de données sur les différents environnements : développement, pré-production, production, etc. Ainsi, il est parfois impossible de figer une base de données le temps d’apporter des évolutions au site. Soit parce que la cliente/le client a un rythme soutenu de publication, soit parce que le déploiement de l’évolution s’étale dans le temps par exemple. À l’inverse, un thème maison peut gérer les versions de toute la configuration – à l’image de l’utilisation des metaboxes – pour ne garder quasiment que le contenu contribuable dans la base de données.

Bien que le support technique soit qualitatif, toutes ces problématiques augmentent notre coût de maintenance. Cette dernière est plus compliquée et les régressions plus nombreuses. J’ai l’esprit plus léger lorsque je dois maintenir un site avec un thème maison.

Et d’un point de vue utilisateur(rice) ?

Quand on pense à l’utilisateur(rice), on ne pense trop souvent qu’au design. Mais qu’en est-il de la qualité du site à travers lequel on communique ? Dans sa définition de la qualité1, Opquast met l’accent sur des notions essentielles de l’expérience utilisateur et de la transversalité. Parmi elles, il y a deux grandes perdantes quand on recourt à des thèmes payants : l’accessibilité et la performance.

règles d’assurance qualité web Opquast
Les règles d’assurance qualité web Opquast sont un premier socle transversal permettant de traiter des risques fondamentaux sur l’accessibilité, l’ergonomie, les performances, la sécurité, les standards, le SEO, etc. (source livre Opquast)

Première perdante : l’accessibilité

Une des grandes oubliées des thèmes payants, c’est l’accessibilité. On trouve beaucoup d’erreurs dans ces thèmes, et souvent les mêmes. Parmi les plus récurrentes, les problèmes de contrastes sont les gagnants, même sur des couleurs non administrables. Il y a aussi des focus clavier non visibles, une navigation clavier pas supportée, ou des champs de formulaires sans étiquette associée. En plus du manque d’inclusion, n’oubliez pas que c’est, depuis 2005, une obligation légale dans certains cas2.

Deuxième perdante : la performance

Les thèmes sont lourds pour plusieurs raisons. La créa prend le dessus sur le fond, les ressources ont un poids qui vient pénaliser le chargement, les images sont nombreuses et leur taille n’est pas nécessairement optimisée pour le web. Ces considérations autour de la performance impactent le chargement des pages dans le navigateur.

Nous avons fait un test sur une vingtaine de sites réalisés avec des thèmes payants à Simplon Prod. Nous avons constaté que les pages d’accueil pèsent entre 2 et 7 Mo. Autre élément responsable de la lourdeur des pages dans notre test, le JavaScript pèse à lui seul souvent plus de 700 Ko.

Enfin, les thèmes payants ont un code plus complexe, ce qui peut alourdir le rendu de la page dans le navigateur.

Conclusion

Les thèmes payants ne sont pas une mauvaise approche, mais ce n’est pas une solution magique non plus. Je trouve qu’on a tendance à montrer leurs avantages – et surtout le rendu graphique – sans parler de l’impact que ça peut avoir. Les besoins et les compétences de la cliente/du client, le processus de conception et de mise à jour en agence, ainsi que la qualité pour l’utilisateur(rice) doivent peser dans la balance pour le choix de la solution technique. Cela ne devrait pas être le moyen par défaut pour des nouveaux projets, surtout pour des budgets serrés. Il existe plusieurs alternatives. Par exemple, à Simplon Prod, nous avons développé un concept « Offre d’entrée » qui répond à un large spectre de besoins. L’avantage, c’est que nous pouvons nous concentrer aussi sur la qualité du site. La cliente/le client peut faire des personnalisations simples, comme le logo, les couleurs, la typographie, etc. Si l’offre ne couvre pas l’ensemble des besoins du client, nous pouvons aussi facilement nous adapter et faire des évolutions. Cela n’est qu’une proposition de réponse, et il en existe d’autres. Pour finir, on peut questionner l’intérêt de recourir à WordPress si le site n’en a pas besoin.

Références

  1. Opquast, la checklist de référence de qualité web.
  2. Contenus concernés par le champ d’application du référentiel RGAA.

Un grand merci à Florence Catinaud Taris pour son aide et ses qualités de rédactrice web.
Merci aussi à Alban Jubert, Nicolas Lœuillet, Charly Faille et Frank Alary pour leurs relectures.

Il n’est plus possible de laisser un commentaire sur les articles mais la discussion continue sur les réseaux sociaux :