Un web en voie de développement
Aujourd’hui je vous propose de changer de latitude. Je vous emmène un petit peu chez moi, au Sénégal. On produit pour le web dans le monde entier, avec les moyens dont on dispose et des situations qui nous indisposent.
Cet article se compose d’une série de constats et notes éparses, sans véritable fil directeur, donnant un aperçu de l’état de la conception et de la production web au Sénégal, un pays dit du tiers monde en voie de développement.
Bienvenue au pays des Gorgorlous1 et de la Teranga.
Avertissements : cet état des lieux est inévitablement partial, émanant de mon retour d’expérience, celui d’un webdesigner toubab vivant à Dakar depuis 2007. Amis et collègues travaillant à Dakar, n’hésitez pas à me compléter ou me contredire en commentaire pour compléter ce tableau.
On est connecté et ça marchouille
Je travaille avec une connexion ADSL 2Mb (théorique) pour 38 €/mois. La connexion n’est pas toujours très stable, les débits vers l’Europe sont bons, et dégringolent vite quand on pinge les États-Unis. Mais ça marche.
Quand je regarde les offres proposées au Mali voisin (du « haut débit » de 256Kb pour 50 € / mois), je me dis que j’ai la chance de travailler dans une ville qui peut se brancher directement aux câbles sous marins qui longent la côte africaine. Je n’arrive même pas à imaginer ce que pourrait être une connexion à 20Mb ou 50Mb.
La Sonatel (opérateur historique pilotée par Orange) n’ayant aucune obligation de partager son infrastructure, garde le monopole sur l’offre cablée. La concurrence se positionne sur l’offre 3G.
Un quart de la population doit être connecté à internet, majoritairement à Dakar où presque toute l’activité économique du pays est concentrée. Mais avec la baisse du coût des smartphones et la concurrence sur les forfaits 3G, le nombre d’internautes mobiles croît rapidement.
Pour avoir accès au réseau, il faut de l’énergie…
Le plus gros frein technique à mon activité est l’instabilité de l’offre électrique. On subit beaucoup de coupures. La majorité du courant est produite à partir du pétrole. Et quand l’état n’a plus les moyens de payer les barils, la Senelec va délester certains quartiers de Dakar. Il faut toujours avoir un stock de bougies chez soi. Dîner aux chandelles n’a rien de romantique. En 2011, les coupures ont atteint une telle fréquence que la ville de Dakar s’est enflammée.
Quand les délestages ne dépassent pas deux heures, la batterie de mon ordinateur portable me permet de continuer à travailler. Sinon le designer que je suis va retrouver les joies du calepin et du crayon.
Travailler en local reste une nécessité, je charge systématiquement les bibliothèques JavaScript et les fonts. Je reste un gros utilisateur de l’antique Scrapbook, qui me permet de capturer un article ou une documentation sur mon disque dur pour consultation lors des blackouts.
Petits salaires et gros investissements à court terme
La majorité de l’économie du pays se fait dans le secteur informel, qui a même son ministère. J’adore ! Imaginez la France avec un « ministère du travail au noir » !
Pour ceux qui ont un emploi, le salaire d’un développeur varie de 200 € pour un junior à 1200 € par mois pour un senior.
Tout ce que le Sénégal ne produit pas doit être importé. C’est à dire… quasiment tout. Et l’État n’a pas encore trouvé de moyen plus intéressant que le dédouanement de marchandises pour remplir ses caisses.
Le matériel informatique est donc vendu plus cher qu’en Europe.
Cdiscount vient d’ouvrir un portail e‑commerce pour les Sénégalais. Cela me permet de vous donner un aperçu. Un Macbook Air 13” proposé à 1050 € sur Cdiscount.fr se retrouve à 1 222 000 CFA (soit 1860€) sur Cdiscount.sn.
L’océan, la plage, le soleil toute l’année… Quel climat agréable ! Mais il est rude pour les machines. Entre chaleur, air iodé de l’océan, poussière du désert et taux d’humidité lors des mois de mousson (où tout moisit et rouille à une vitesse incroyable), nos machines souffrent, leur durée de vie est plus courte qu’en Europe et leurs besoins en entretien et réparation bien plus importants.
Business Model ?
L’un des Business Models les plus répandus sur le web est d’utiliser les services bancaires pour vendre produits et services. Mais au Sénégal, où moins de 10% de la population est bancarisé, ce modèle ne peut fonctionner. Ils ne veulent pas de compte en banque, à la rigueur un compte d’épargne et ce n’est pas moi qui vais leur donner tort. Et même pour moi qui ai un compte chèque avec CB, je ne suis pas autorisé à acheter en ligne.
Ce n’est pas sans poser quelques problèmes, ne serait-ce que pour acheter un nom de domaine ou un hébergement.
Alors quelle alternative pour proposer ces produits à une population non bancarisée ? Et c’est là que c’est étonnant : les plateformes de e‑commerce n’ont pas trouvé d’autre choix que de proposer un paiement à la livraison. C’est l’entreprise qui prend tous les risques et tout le bénéfice en revient au consommateur qui ne débourse rien tant qu’il n’a pas reçu et vérifié sa marchandise. Pour les scooters livreurs, c’est folklorique, car les rues n’ont pas forcément de nom, ou les maisons de numéro.
Pour l’hébergement web, OVH a ouvert un bureau à Dakar, où il est possible d’acheter et renouveler hébergements et noms de domaine via mandat postal. Certains de mes clients utilisent cette méthode.
Designers, intégrateurs : où êtes-vous ?
Dans la majorité des cas, le web est l’affaire des développeurs web. Ils sont issus des centres de formation en programmation (qui forment chaque année des wagons entier de programmeurs Java qui ne trouvent jamais de boulot).
Les porteurs de projets vont se tourner vers eux en premier et souvent — à défaut — s’en contenter. Les CMS offrant un catalogue de thèmes et des solutions clés en main comme WordPress ou Joomla sont fortement utilisés par les développeurs indépendants.
Une bonne expertise sur les langages du web (HTML, CSS et JS) est trop rare. Ces langages sont survolés dans les écoles de programmation, voire pas du tout enseigné pour JS.
Côté formation en graphisme et design, c’est le néant. Il y a bien des centres de formation en infographie sur les outils d’Adobe. Mais rien à ma connaissance qui touche aux apprentissages des fondamentaux (typo/photo)graphiques. Il y une école des beaux arts, mais elle manque cruellement de moyens et le graphisme n’y est pas ou plus enseigné.
Je ne m’étendrai pas sur les chefs de projet web, qu’ils soient agiles ou pas. Je n’en ai jamais croisé.
Embaucher, débaucher, chasser les talents
Lorsqu’une agence web souhaite embaucher, l’autodidacte passionné reste la valeur la plus sûre, mais souvent l’expérience manque encore. Quand elle vient à perdre un de ses seniors en intégration, design, ou même développement dans un langage, framework ou CMS spécifique, il est difficile de le remplacer.
Monter une équipe web composée de designers, intégrateurs, développeurs et chef de projet expérimentés est très difficile. Je connais plusieurs personnes qui se sont cassé les dents à vouloir essayer.
J’ai moi-même souffert en travaillant sur un gros projet financé par une fondation allemande, commandée par une association culturelle basée en Afrique du Sud et pilotée depuis Dakar.
L’équipe de développeurs travaillait depuis le Ghana et par manque d’un chef de projet expérimenté capable de conduire cette équipe dispersée, le projet est parti dans tous les sens. J’ai bien cru qu’on serait incapable de livrer quoi que ce soit.
Certains ont compris qu’il était important de dénicher les talents et les mettre en relation avec les porteurs de projets. La première initiative fut l’ouverture en 2010 de Jokkolabs, un espace de co-working calqué sur le modèle de feu la cantine. Puis ouvrit en 2011 le CTIC : un incubateur de startups qui aimerait pouvoir régler tous les problèmes du pays (pêche, agriculture, santé, etc.) par les TIC et par là même booster la croissance du pays. Startup week-end par ci, Tekki48 par là. Je ne vois pas encore beaucoup de résultats, mais ça crée une dynamique et il en ressortira je l’espère quelques success stories.
Comme le dit grand frère Wilane2 « Bordel, ce pays a besoin de plombiers !» Il y a beaucoup de beaux parleurs qui ne pensent qu’à collectioner les followers ou amis virtuels, qui pitchent de grandes idées révolutionnaires pour leur pays et remplissent des Business Model Canvas. Et vos lignes de codes, elles sont où ?
Polyvalence et solitude
Le manque de ressources disponibles oblige les travailleurs du web à être multi-casquettes. Les développeurs web sont tous un peu dev ops, admin sys, intégrateurs web et même web designer ! sic. Pour moi qui sors d’une formation en graphisme et d’une école d’art, j’ai dû prendre la casquette d’intégrateur et me mettre à JavaScript (avec plaisir, je n’ai jamais détesté le code). Je suis suffisamment à l’aise pour concevoir et designer directement en code (même si je ne peux pas me passer d’une phase de crobards papier). J’utilise le shell tous les jours alors que ça m’était impensable avant mon arrivée dans ce pays.
Être trop polyvalent n’est pas non plus une pratique satisfaisante. La R&D devient vite chronophage.
Être une ressource rare dans un pays apporte la frustration de ne pouvoir échanger avec ses pairs. Je regrette de ne pas pouvoir travailler avec un expert en ergonomie ou UI, en accessibilité, en JavaScript ou un bon chef de projet. Ou même tout simplement d’apprendre auprès d’un mentor ou d’un collègue qui s’est spécialisé dans un domaine différent, avec une approche différente.
Parfois, malgré toute la vie qu’il y a autour de moi, je me sens seul…
Alors je me rapproche des communautés tech, comme ma participation aux quelques Barcamps qui ont eu lieu.
Besoin de liberté
Comme beaucoup de graphistes, j’ai été formaté au duo Apple/Adobe depuis mes premières années de formation. C’est un standard de fait que je n’avais jamais remis en cause.
Aujourd’hui ce modèle occidental prime encore dans les centres de formation qui continuent à formater les infographes au modèle Adobe.
Mon expérience ici m’a fait comprendre que ces solutions ne sont pas adaptées à mon environnement. Ce n’est pas une question de qualité des outils, mais de modèle économique, de brevet et de licence.
Les alternatives libres sont vraiment du pain bénit pour ces pays. Une vieille machine d’occasion tournant sur une distribution GNU/linux légère permet à un jeune sénégalais de démarrer dans le métier.
Et si le besoin est d’arborer une pomme, il est toujours possible d’en trouver une dans les multiples accessoires chinois qui envahissent la capitale.
Un Dakar cosmopolite
L’un des aspects de la ville de Dakar – et qui me fait croire que le Sénégal peut rattraper son retard en terme de qualité des ressources disponibles – est qu’elle attire vers elle, à travers son offre éducative, toute l’Afrique francophone.
Du coup, c’est devenu un vrai marché pour les écoles privées, avec certes de vraies arnaques et des programmes critiquables. Mais tous ces cerveaux Africains qui convergent vers la capitale sénégalaise est impressionnant.
Je côtoie professionnellement ou croise des Gabonais, Togolais, Béninois, Maliens, Burkinabés, Mauritaniens. Une bonne partie d’entre eux reste au Sénégal après leurs études et participe activement à l’émergence du Pays.
Contributeurs francophones, merci à vous…
Dans nos métiers, pouvoir faire sa R&D en anglais est primordial.
Mais à travers les différents échanges que j’ai pu avoir avec des postulants lors d’entretiens d’embauche ou les membres des différentes communautés tech., c’est incroyable le nombre de personnes qui m’ont dit s’être initiées au web à travers les tutos du site du zéro (renommé OpenClassrooms) ou les articles d’Alsacréations.
Merci aux grand-messes du web comme Paris Web et aux plus petites comme Sud Web et Kiwi Party de diffuser vos conférences3 (même si on n’a pas toujours le débit suffisant pour les voir).
Merci aux bloggeurs qui continuent de partager en Français, même si c’est pas top pour votre E‑reputation.
Vous ne pouvez imaginer le savoir que vous transmettez et les passions que vous pouvez faire naître au Sénégal et certainement dans tous ces pays francophones en voie de développement, à ceux qui n’ont pas accès à une littérature spécialisée ou des formations de qualité.
C’est vrai que les contributions émanant du Sénégal sont inexistantes ou passent inaperçues.
C’est qu’ils sont encore timides et que la plupart n’ont pas encore confiance en eux. Mais je suis sûr que d’ici quelques années, certains d’entre eux se sentiront prêts à contribuer et à participer à la construction du web. Vous saurez alors que ce web en voie de développement commence à se décomplexer.
24 commentaires sur cet article
Marie Guillaumet, le 9 décembre 2014 à 9:47
…ça permet, donc, de prendre du recul sur notre petit confort habituel auquel on finit par ne plus faire attention. Personnellement, ça m'encourage à continuer à publier en français, et à être plus rigoureuse sur les perfs de mon blog ! ;-)
STPo, le 9 décembre 2014 à 10:30
C'est vraiment super ce type de retours, merci.
Stéphanie, le 9 décembre 2014 à 10:42
Merci Thomas (pour faire original) de remettre un peu d'humilité dans nos métiers, ça fait du bien de prendre conscience qu'au final on est VRAIMENT chouchoutés dans nos petites agences à pouvoir faire joujou sur des connexions de dingue avec des technos et des frameworks qui sont à des années lumières de la vie réelle de beaucoup de "gens du web" à travers le monde. Je rebondis un peu sur ce que tu dis sur la mobilité et la 3G, c'est vrai qu'on a de plus en plus d'utilisateurs qui vont finir par visiter le web uniquement via un mobile. Du coup comme le dit Marie, ça va peut-être nous faire prendre conscience de nous bouger un peu niveau performance. Défis pour 2015, un web plus rapide et plus accessible ?
Cyril, le 9 décembre 2014 à 10:45
Bon, comme tout le monde, article très très intéressant, je pense que j'ai jamais réfléchis / pensé / demandé sur le développement du web dans des pays du genre. Maintenant c'est chose faite \o\
Est-ce que je peux te demander pourquoi est-ce que tu es allé vivre à Dakar, et où tu vivais avant 2007 ? Merci !
Thomas Jund, le 9 décembre 2014 à 11:52
@Stéphanie. Tout dépend du contexte. Au Sénégal où les garçons s'appellent majoritairement Mohamed et les filles Fatou. Ben des Thomas et des Stéphanie, y'en a bien moins qu'en hexagone :)
@Cyril. C'est vrai, j'ai été léger sur ma bio. J'ai hésité entre 2 et 20 lignes. Je n'ai pas été que freelance à Dakar, j'ai bossé 4 ans dans une web agency, j'ai enseigné un peu, j'ai fais des extra dans une boite de pub pour rentrer des "khaliss". Avant Dakar, j'ai passé 6 ans sur Lyon, j'y étais graphiste indépendant (maison des artistes, tout ça) et enseignant : en studio de création multimédia à l'école Bellecour puis en photographie numérique à l'Atelier Magenta. Avant Lyon, j'ai fais mes premiers pas dans le web en tant que webmaster à l'atelier numérique des Arts déco de Strasbourg, où je donnais aussi des cours de PAO. Et avant ça… ça remonte à trop loin. Pourquoi Dakar ? Une envie de soleil.
@dembajeex, le 9 décembre 2014 à 14:31
Superbe article! Bravo! Je suis d'accord dans l'ensemble, et à l'inverse de vous j'ai quitté Dakar en 2007 et je travaille en Paris en tant que IED. Effectivement je fais le tour des sites web sénégalais et la conclusion c'est que même les plus grandes entreprises du pays( Orange par exemple) ont des sites web "bancals", les applis mobiles pas du tout adapté! Et comme la plupart des ingénieurs sénégalais qui bosse en France ou Ailleurs, je rêve de décrocher un job au Sénégal. Et vous devez savoir comment ça marche au Sénégal pour décrocher un poste si tu ne connais pas "Makoné" et que lui à son tour connaisse "Makoné". Et l’ultime option c'est donc d'entreprendre, Et pour ça il faut du "Xalis" pour les premiers mois de galère d'une start-up! Et pour le manque de ressources je le prévois, je n'arrête pas de me former à un peu sur tout(fullstack) et l'idée c'est de pouvoir former au maximum mes futurs associés et partager ma petite expérience. Je serais à Dakar au mois d'avril à Dakar pour jauger le marché avant de me lancer. @Thomas Jund , merci pour l'article et j’espère avoir l'occasion de vous rencontrer.
Stéphanie, le 9 décembre 2014 à 15:13
:p mon "pour faire original" c'était sur le fait de remercier, hein, pas sur le prénom ^^
Julien van der Kluft, le 9 décembre 2014 à 15:24
Un oeil nouveau sur les réalités du développement du web et un puissant argument pour la diffusion et l'accessibilité de ressources francophones ! Super article !
Boris, le 9 décembre 2014 à 15:45
Super article, qui nous donne un peu de recul sur nos usages et leur absence d'universalité. Par contre, je manque un peu de repère sur les montants : à 1200€ par moi, un senior vit-il bien à Dakar ?
Autre question, au niveau de "l'informel" : comment ça se passe ? Parce que faire un projet de 10, 30, 100 jours sans contrat... :/
Thomas Jund, le 9 décembre 2014 à 15:50
@Stephanie : Pardon. Mon esprit tordu.
@Tous : merci pour vos remerciements. J'avais des doutes sur l'intérêt que pouvais porter mon article.
@Demba : Plein de courage à toi pour l'entreprise de ton retour au pays. N'hésite pas à me contacter.
Tara Charter, le 9 décembre 2014 à 16:00
One of the most inspiring articles of 2014. I used google translator and with every word became transfixed, engrossed, I could feel my brain changing. I will never ever again take what I have for granted. May your strength be heard, your voices stay strong, and your resilience shine through. Carry on!
LeKigalois, le 9 décembre 2014 à 16:02
Touchant cet article: Même vie, même galère de dev comme chez moi à Kigali! :-D Il faut se dire qu'à la fin de journée, on est content du travail réalisé malgré les obstacles susmentionnés.
Pour ceux et celles qui veulent vraiment du challenge, travailler dans le web au Sud c'est ce qu'il vous faut. Le salaire....à découvrir!!!!
@Thomas Jund, Merci bcp pour l'article, vraiment réaliste. Tu as décrit exactement mon calvaire à moi aussi et pourtant je suis de l'autre côté à l'est. Même si chez nous, on a pas (pour le moment) le souci du haut débit (la 4G depuis octobre mais qui coûte encore une fortune) je dois vous dire qu'il y a plusieurs mm choses que vous rencontreriez ici aussi malgré cette distance. Et vous, vous avez la chance de travailler dans/avec une culture très open. Chez moi? Il y a encore du chemin, surtout la vente en ligne. A Kigali et comme partout au Rwanda, on commence à s'habituer à faire les transactions via les téléphones (après un succès au Kenya) et ça marche bien. Mais c'est vrai que s'il y pas une réelle volonté de la part des opérateurs téléphoniques voire l'état, ça reste problématique. Il fut un temps où chez nous l'importation des ordi et matos à ce sens était exempte des taxes. Mais arriver à convaincre un marchand local pour qu'il puisse étendre son marché sur le web, ça ... vous connaissez le réponse:)
L'espoir fait vivre! Bon courage, vive le web!
Thomas Jund, le 9 décembre 2014 à 17:13
@Boris : Concernant les salaires, est-ce qu'un sénior vit bien avec 1200 euros par moi ? C'est très difficile de répondre à cette question, les besoins ne sont pas les mêmes, il n'y a pas autant ce besoin de consommer pour se sentir vivant, il suffit d'avoir son bol de riz tous les jours. Et combien de personnes vont vivre sur ce salaire, 5, 10, 15 ? Ici peu de Sénégalais ont un budget culturel (il n'y a même plus de cinéma…). Et la plupart des salariés font du business à côté de leur boulot (une boutique, un taxi, un peu d'import-export). Si on leur demandait, peu répondront qu'ils vivent mal. Dakar est une ville chère au niveau des loyers, un junior avec ses 200€ ne pourra pas se loger, il habite dans la maison familiale surpeuplée ou alors en banlieue ou en banlieue dans la maison familiale surpeuplée :).
Concernant le statut de prestataire, même s'il fait partie de la zone "informel", il est néanmoins plus ou moins encadré. Une entreprise qui fait appel à un prestataire "sans statut" devra établir un contrat de prestation et reverser 5% de la somme TTC de la prestation aux impôts. C'est l'entreprise 'Cliente" qui est en charge de la paperasse, parce qu'avec 50% d'illétrisme dans le pays, faudra pas demander à un électricien ou un masson d'écrire un devis. L'État est obligé de jongler entre autoriser l'informel qui fait vivre 90% de la population et essayer néanmoins de l'encadrer.
Sirusagi, le 9 décembre 2014 à 20:01
@Thomas super article qui traduit bien la réalité de notre métier et pas qu'au Sénégal bien malheureusement c'est aussi valable en Côte d'Ivoire où je vis, à côté des brouteurs et autres cybercriminels on trouve pleins de jeunes qui pour la plupart se retrouvent dans le web par mauvaise orientation dans la plupart des cas, ici on forme plutôt des wagons de "développeurs Windev" (veinards vous avez des gars qui font Java), le web commence à y faire son chemin depuis quelques années, y bosser c'est vraiment laborieux, mais ce qui me tue le plus c'est au final "la frustration de ne pouvoir échanger avec ses pairs." personne pour échanger, discuter autour d'une tasse de café. Bon courage pour la suite et j’espère te rencontrer si je passe à Dakar (j'apporterais du bon café :) )
dev-galsen, le 9 décembre 2014 à 21:07
@sacripant qu'est ce que tu as réellement pour ameliorer la connaissance des dev avec qui tu as bossé. A lire ton article tu etais un genie alors tous les autres sont nuls Si c'est toi sur la photo je crois j'ai deja vu ta tete dans les rencontres tekki. Et tu etais toujours spectateur comme nous
dev-galsen, le 9 décembre 2014 à 21:16
Et j'espere que tu n'es plus dans ce pays pourri. Je doute fort que ce soit pour le soleil. La france t'offre tout ce que tu veux (enfin je crois). Je crois si tu etais doué, tu ne serais pas au sénégal pour te frotter avec les nuls mais chez toi et gagner facilement ta vie.
Simo Aitmhind, le 10 décembre 2014 à 13:09
Merci beaucoup Thomas pour cet article :)
TINTO T. Idriss, le 10 décembre 2014 à 22:50
Il y a beaucoup de vrai dans ce que tu dis. C'est à peu près la même chose au Burkina Faso d'où je suis originaire. Mais il faut dire que le niveau de l'offre dépend du niveau de la demande. Tu peut être bien formé, de niveau ingénieur et sur le marché, tu te retrouve à faire des sites avec Joomla. Après 2, 3 ans, tu deviens un peu automate et tu n'es plus vraiment soucieux de créer. Il est difficile de trouver de gros projets web, qui donne l'occasion aux acteurs d'approfondir leurs expériences sur les outils et les méthodes. A mon avis cela est du au niveau de vie qui est bas; les clients sont moins exigeants puisse qu'ils ne veulent pas payer beaucoup. Cela pousse le travailleur à recourir au gombo (petites affaires à gauche à droite) pour s'en sortir. Le paiement en ligne ne marchera que si les fournisseurs de systèmes de paiement mobile fournissent des API afin qu'on puisse les intégrer aux sites de vente en ligne.
hervé, le 10 décembre 2014 à 22:55
@Thomas, Je ne suis pas convaincu de ton analyse. Je sais que dans les pays en voie de développement c'est pas toujours évident (et comme partout ailleurs) mais le Sénégal ou j'ai vécu pendant 3 ans est différent de celui que tu décris. Il y a des coupures certes mais elles ne sont pas aussi dramatiques que tu le décris. Professionnellement et humainement j'ai rencontré des gens qui ont changé ma façon de voir les choses. J'ai eu à travailler avec des sénégalais compétents et rigoureux. Je pense que tu as une vision trop clichée de l'Afrique. Reviens sur terre ou à défaut réfléchis sur la proposition de dev-galsen. Tu es bien courageux de vivre tout ça depuis 7ans et pourtant il me semble tu vis toujours au sénégal. Sans rancune.
TINTO T. Idriss, le 10 décembre 2014 à 22:58
Aussi, les habitants du Burkina Faso sont des Burkinabè, un mot invariant qui ne respecte pas les règles françaises, parce qu'il est issu de langues locales (Moorè et Fulfuldé). Un Burkinabè, des Burkinabè :)
Thomas Jund, le 11 décembre 2014 à 12:31
@Hervé. Je te rejoins entièrement sur l'expérience humaine. J'ai rencontré des gens formidables, compétents, rigoureux, qui de battent et se bougent pour faire évoluer les choses. Moi non plus, je ne suis plus le même. Le Sénégal, à travers les échanges culturels, social, les expériences professionnels que j'ai eu m'ont profondément modifié. Je ne regrette pas mon expérience ici. Et si je suis amené à quitter ce pays j'en garderais un excellent souvenir. J'ai été amené à travailler sur de gros projets très ambitieux. J'ai eu des responsabilités que je n'aurais surement pas eu en restant en France.
Je ne crois pas avoir dit le contraire dans mon article. Je n'en ai pas parlé, certe, et c'est surement cela qui vous dérange. J'ai essayé de présenter les barrières qui (de mon point de vue) restent encore à franchir pour que le web sénégalais existent au delà de ces frontières. Alors oui, j'ai travaillé et je travaille avec des devs que je trouve très compétent (en tant que designer, je suis mal placé pour juger). Il y a des intégrateurs compétents et expérimentés, quelques webdesigner vraiment talentueux aussi. Mais de mon points de vue, encore beaucoup trop peu. Mais ça va venir :), je suis confiant.
mamadou, le 11 décembre 2014 à 17:35
@Thomas. Ca te fera du bien http://www.lesintegristes.net/2013/03/19/integration-web-humilite/
ThomasG77, le 15 décembre 2014 à 20:48
Bonjour le parcours d’embûches rien que pour bosser dans des conditions "normales" (au sens occidental du moins)...
Vu que vous semblez avoir des problèmes de connexion, sans parler des problèmes d'électricité que vous évoquez, le logiciel Zeal http://zealdocs.org pourrait vous aider. Il permet de télécharger la documentation web pour du off-line. Je l'utilise dans le train mais il semble être assez adapté à vos problèmes locaux.
Sané, le 5 février 2015 à 17:36
Lool
C'est pas faux dans l'ensemble, mais j'ai été dev pendant 6 ans à Dakar (2002-2008) et pour dire vrai c'est là bas que j'évoluais plus vite qu'ici en France. J'ai commencé à développé et j'ai évolué vers des responsabilités, comme diriger un service de plus de 5 ingénieurs. Je participais à des réunions stratégiques et je côtoyais au quotidien divers clients. J'avais plus de plaisir à travailler qu'ici. En fait en France on est comme des robots. Bon je critique pas la France que j'aime aussi mais j'étais plus heureux dans mon travail au Sénégal qu'ici en France. Et pour moi c'est ça qui compte.
Peut etre à cause de la culture car je suis sénégalais et donc je comprend mieux la façon qu'ils pensent. J'ai eu des responsabilités que j'aurais peut être jamais ici en France. Sans parler de la confiance en soi.
Les coupures de courant ca me genaient vraiment pas dans mon travail à la Sonatel (Orange), car on avait des groupes electrogènes et pour nous on le sentait pas, les débits étaient faibles comparés à ici mais ca nous bloquait pas dans notre travail.
En plus là bas mes succès étaient plus appréciés qu'ici en France ou le travail du développeur Web c'est de la routine, c'est du normal, c'est toujours des tensions, de la vitesse, de la folie, ... On ne prend pas le temps d'apprécier. Là bas comme c'est lent alors on apprécie.
J'ai cotoyé des gens hyper carrés. 6 ans à Dakar et 7 ans ici, je peux te dire sans me tromper que certaines boitent au Sénégal sont vachement mieux que certaines ici (organisation, cadre de travail, process, rigueur, etc.), tout ca avec peux de moyens.
Tu n'as pas aussi parlé des bonnes choses. Je travaillais et dès fois entre midi et 14 j'allais me promenais à la plage, j'étais à coté de la mer. Il fait toujours beau, avec le salaire qu'on avait on était bien. Pas de métro, pas de train, les gens cools ... Moi perso tout cela me manque.
Pour ce qui est du Web, c'est des choses nouvelles qu'on apprend sur le tas. J'ai jamais fait de cours de Web à l'école d'ingénieur pourtant j'ai toujours bossé sur le Web, d'abord à Dakar et ensuite ici. Tout les pays c'est le web en voie de développement. C'est de nouveaux métiers, c'est de nouveaux trucs, accessible à tout grâce à Internet.
J'ai rigolé avec Ministère du secteur informel :)
Bravo pour ton article.
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