Piloter sa maison grâce au web
« Domotique, » c’est le nom donné à un ensemble de technologies dont le but est d’automatiser certaines actions dans une habitation, ou plus généralement dans un bâtiment. La domotique vous permet de vous affranchir de certaines tâches pénibles, comme par exemple ouvrir ou fermer les volets de votre maison. Elle vous permet de surveiller votre habitation pendant votre absence à l’aide d’une alarme. Ou encore, elle vous permet de veiller à votre consommation électrique.
Mais si tout cela améliore tellement notre quotidien, pourquoi n’avons-nous pas tous une installation domotique chez nous ? C’est vrai, la domotique ne date pas d’hier, cela fait même environ une quinzaine d’années que cela existe. La domotique est donc beaucoup plus vieille que les smartphones ou les tablettes que l’on possède tous et qui, eux aussi, nous simplifient la vie. Alors pourquoi la domotique ne s’est elle pas imposée aussi facilement ?
Un des éléments de réponse vient de la mentalité archaïque des fabricants de matériel électrique, qui se sont obstinés pendant des années à vouloir imposer chacun leur solution domotique. Chacun d’entre eux proposant des systèmes fermés, propriétaires, très onéreux et pas du tout modifiables. Ce qui implique, notamment, l’obligation de piloter l’ensemble avec une interface non ergonomique et jamais mise à jour, mais surtout de piloter son installation localement. Mais tout ça est en train de changer…
Le renouveau de la domotique grâce au web
Programmer son chauffage, piloter ses volets électriques ou activer une alarme à l’intérieur de votre domicile, c’est plutôt sympa. Mais imaginez : vous allumez votre chauffage à distance, en partant du travail, et vous avez une maison à la bonne température en rentrant, ce qui est idéal si vous n’avez pas d’horaires fixes. Ou encore : vous partez chez des amis, votre maison remarque d’elle-même votre absence, active l’alarme et vous notifie sur votre smartphone de la moindre anomalie. Votre box domotique va récupérer l’heure du coucher du soleil chez vous sur Internet, et ferme vos volets automatiquement au crépuscule. Avec une maison connectée, la domotique prend tout son sens.
Les frameworks
Il existe plusieurs frameworks domotique, le premier dont j’ai entendu parler est S.A.R.A.H. que j’ai découvert à Paris web en 2013 lors de la conférence de son créateur Jean-Philippe Encausse. En plus d’être multiprotocole, ce framework possède un énorme avantage par rapport à ses concurrents : la reconnaissance vocale. Vous pouvez parler à votre maison un peu comme Tony Stark parle à JARVIS, et ça c’est la classe.
Il existe un autre framework open source : Domoticz. Mis à part la reconnaissance vocale, il fait tout ce qu’on peut attendre d’un framework domotique. Il est multiprotocole, il est capable nativement de gérer de nombreux périphériques, il possède une interface web, certes pas des plus intuitives et des plus jolies, mais il a une API, permettant de gérer toutes les commandes depuis une autre interface. Vous pouvez récupérer l’état de chacun des composants de votre installation au format JSON et piloter vos actionneurs grâce à des URLs.
J’ai découvert il y a peu Jeedom qui m’a l’air très prometteur, notamment grâce à son « Appstore » qui, comme celui de S.A.RA.H., permet aux développeurs de proposer leurs propres scripts ou plugins. Son interface native a aussi l’air beaucoup plus claire et intuitive. Je pense le tester prochainement.
Les différents protocoles de communication
Je vous ai vu froncer des sourcils lorsque j’ai utilisé le mot « multiprotocole, » mais de quels protocoles parlons-nous ? La plupart des installations domotiques fonctionnent selon le principe suivant : il y a une box qui fonctionne comme un serveur et communique avec des périphériques. Ces périphériques, ce sont des capteurs (ex : capteur de présence ou alors d’ouverture d’une porte), ou des actionneurs (ex : moteur de volet, ou commande de prise électrique).
Ces périphériques dialoguent avec la box à l’aide d’un protocole de communication. Il existe différents protocoles propres au monde de la domotique, certains filaires, d’autres sans fil et chacun a ses avantages et inconvénients. C’est même un souci car il est difficile de s’y retrouver tant les protocoles sont nombreux.
Je ne vais pas vous décrire tous les protocoles de communication existants, mais seulement les 2 plus intéressants de mon point de vue, Chacon et Z‑Wave, tous deux sans fil :
- Le Chacon est un très bon choix pour débuter car il bénéficie d’un excellent rapport qualité prix. Il est aussi très facile à mettre en place. En revanche, il n’est pas le meilleur choix au niveau de la sécurité. Il faut aussi prendre en compte la portée du signal, car celui-ci ne se répète pas comme sur d’autres protocoles de communication.
- Fonctionnant avec un système de réseau en maille, le Z‑Wave n’a pas de souci de portée de signal, chaque périphérique fait « rebondir » le signal. Ce protocole est aussi un des plus fiables notamment grâce à l’obligation de jumeler les différents périphériques à l’aide d’un bouton physique. Par contre, le point faible de cette solution est sont prix, les périphériques sont vendus en général très cher.
Retour d’expérience sur la création d’une alarme
Je suis intégrateur depuis quelques années maintenant et geek depuis toujours. Ayant fait mes études dans le domaine de l’électrotechnique, j’ai toujours été attiré par tout ce qui touche à l’automatisation. Il y a quelques mois, j’ai décidé de me lancer dans la domotique et, pour être honnête, je m’y suis très mal pris au départ. J’ai acheté un Raspberry Pi sur lequel je bidouillais les entrées/sorties pour allumer des LED ou récupérer l’état de boutons. L’idée, c’était de tout concevoir moi-même, tout inventer. Des capteurs aux actionneurs en passant par le logiciel. Ce qui est bien sûr stupide, c’est comme si vous vouliez créer un site E‑commerce from scratch en étant entièrement seul. Le design, l’ergonomie, l’intégration, le développement, le référencement, la maintenance… seul. C’est sans doute un peu trop ambitieux surtout si c’est votre premier projet de ce type. Vous serez obligé de confier certaines de ces tâches à d’autres personnes, et pour d’autres tâches d’utiliser des frameworks.
Choix du framework
J’aurai pu choisir S.A.R.A.H. pour mon installation, mais il requiert un PC sous Windows pour tourner, ce que je ne souhaite pas. Il existe néanmoins des manipulations permettant de faire fonctionner S.A.R.A.H. sur un Raspberry PI, mais c’est trop de contraintes pour moi. Je me suis donc tourné vers Domoticz, qui remplit parfaitement son rôle. L’installation de Domoticz sur le Raspberry Pi est vraiment très facile, il suffit juste de télécharger l’image de Raspbian fournie par Domoticz, de l’installer sur une carte SD, et une fois celle-ci insérée dans le Pi tout fonctionne. Il ne reste plus qu’à brancher ma clé Z‑Wave sur le port USB du Raspberry Pi et il est prêt.
Après quelques mois d’utilisation, je me rends compte des défauts de ce framework. Tout d’abord son interface n’est pas des plus intuitives. Un exemple, sur la capture d’écran ci-dessus, il faut cliquer sur l’icône de l’ampoule pour allumer la lumière. Mouais.
Ensuite, même si les plantages sont vraiment très rares, ils sont très gênants. Je n’ai rencontré que deux plantages après des mises à jour, mais ils ont paralysé mon alarme et mes volets.
Choix du protocole de communication
Le premier objectif de mon installation était de surveiller ma maison. Au moment de choisir le protocole de communication, j’ai donc privilégié la sécurité et la fiabilité. J’ai fait le choix du protocole Z‑Wave, même si je n’exclus pas d’en utiliser d’autres pour des applications futures, comme par exemple utiliser Chacon pour piloter des lumières.
Choix des périphériques
L’alarme que je conçois va vérifier deux points : la présence d’une personne dans la maison et l’ouverture de la porte d’entrée. S’il y a quelqu’un dans la maison ou si la porte est ouverte une sirène doit retentir.
Pour le capteur de porte, j’ai choisi ce modèle de Fibaro qui est vendu en général une cinquantaine d’euros. En plus d’être fiable, il a l’avantage d’être vendu dans différents coloris pour être plus discret. Pour le capteur de présence, j’ai choisi le modèle trois en un de Philio qui détecte les présences, la température et la luminosité dans la pièce où il est installé. il est vendu une soixantaine d’euros. Pour la sirène, j’ai opté pour ce modèle de chez Fortrezz, vendu environ cent euros, qui a l’avantage de fonctionner en intérieur aussi bien qu’en extérieur.
L’installation
Rien de compliqué, les capteurs sont équipés d’un autocollant à leur dos et il suffit de les coller là où vous le souhaitez. La sirène se branche sur une prise électrique classique.
L’ajout des périphériques dans Domoticz n’est pas non plus très compliqué. Il faut compter entre 5 et 10 minutes par périphérique. J’ai aussi ajouté un bouton virtuel qui servira à activer l’alarme.
Le script
Je trouve le système de Domoticz assez sympa et très accessible pour le néophyte. Il repose sur un système de blocs que l’on vient assembler.
« Si l’alarme est activée et que la porte d’entrée est ouverte, alors fais sonner la sirène et envoie-moi une notification. »
J’ai créé le même style de script pour chaque capteur utile à mon alarme. Sachez qu’il y a aussi possibilité de créer des scripts bien plus complexes en utilisant Lua.
J’ai dépensé 75€ pour le Raspberry Pi, sa carte SD, son alimentation et un boîtier, environ 210€ de périphériques et 50€ pour la clé Z‑Wave. Pour un peu moins de 350€ j’ai une alarme fonctionnelle, que je peux modifier facilement, qui correspond à mes besoins.
Le procédé est le même pour toute autre utilisation, le pilotage de volets roulants, la commande de lumière ou tout ce que vous voulez, la seule limite étant votre imagination (et votre budget bien sûr).
Aller plus loin
Depuis quelques années, nous voyons de plus en plus apparaître des objets connectés destinés au grand public. Au-delà du simple gadget, ces objets peuvent vous permettre de récupérer de précieuses informations sur votre habitat. De la station météo connectée au robot aspirateur connecté, chaque appareil peut vous servir de capteur ou d’actionneur et ainsi améliorer votre quotidien. Un robot aspirateur qui est programmé pour passer tous les jours à la même heure, c’est bien. Mais le même robot aspirateur qui, piloté par votre box, ne passe que si vous n’êtes pas chez vous pour ne pas vous gêner, c’est mieux.
La domotique évolue en permanence et devient de plus en plus accessible et les grands noms du web l’ont bien compris. Google, toujours soucieux d’en savoir plus sur vous, a racheté Nest, qui produit un thermostat intelligent et un détecteur de fumée. Plus récemment, Google (via Nest) a également racheté Revolv, qui fabrique une box domotique multiprotocole. Apple a pour sa part lancé Homekit, qui a pour but de remplacer les box domotiques par iOS/iCloud et donc de piloter votre installation avec vos appareils Apple à l’aide de Siri. Les fournisseurs d’accès à Internet français s’y mettent aussi, en proposant des services domotiques. Orange, par exemple propose Homelive, qui utilise le protocole Z‑Wave.
La domotique et le web sont intimement liés, et ce lien ne fait que se renforcer jour après jour. Il ne serait pas surprenant que nos métiers évoluent et que nous soyons habitués à l’avenir à concevoir des interfaces qui piloteront, non plus du virtuel, mais de véritables objets dans le monde réel. Personnellement, cette perspective me plaît beaucoup.
Et si je ne vous ai pas encore totalement convaincu de l’utilité d’une installation domotique, sachez que cela peut s’avérer utile pour vérifier si votre chat ne se promène pas sur votre hotte aspirante pendant votre absence…
14 commentaires sur cet article
pauland, le 7 décembre 2014 à 10:08
Bon article le vieux ! ;-)
viki53, le 7 décembre 2014 à 11:07
Moi qui comptais acheter un Raspberry Pi et me mettre à la domotique dans les mois à venir, j'ai déjà les premiers éléments pour m'aider maintenant. Par-fait !
Remi Grumeau, le 7 décembre 2014 à 11:15
Suite à un TakeOffTalks, j'ai relié mon bip de garage à un Arduino (+ Shield ethernet), me permettant d'actionner le bip depuis une page web publique. Alors certes le Arduino ne permet pas de gérer du flux audio ou vidéo, mais pour actionner des boîtiers (volets, lampe, ...) ça me paraît encore moins cher et plus stable non ?
Jérôme Boukorras, le 7 décembre 2014 à 13:55
@pauland : Merci gamin !
@viki53 : Fonce ! Tu vas t'éclater ;-)
@Remi Grumeau : Je t'avoue ne pas trop connaître Arduino. Mais l'avantage du Raspberry Pi c'est d'être un véritable serveur qui pilote tous les modules. Et du coup, tout est regroupé en une seule interface. Je ne sais pas si c'est possible avec Arduino.
Manuel Esteban, le 8 décembre 2014 à 9:18
Bon article qui permet en effet de voir ce qu'il est intéressant de faire actuellement assez facilement. Personnellement en plus de mon système domotique open source (YDLE), je compte m'orienter vers SARAH, qui même si il est sous windows, est très puissant et évolue rapidement. Sans parler de sa communauté active.
Encore merci pour l'article.
Denis, le 8 décembre 2014 à 9:25
Super, cet article tombe pile poil au moment où je cherchais à me renseigner pour m'équiper, merci !
heyyy, le 8 décembre 2014 à 19:58
Pour le KNX et LON, pas besoin de box car il sont "décentralisés". Ils sont assez semblables mais KNX concerne plus les petites installations, alors que LON est destiné à de grosse installations (ex: gratte ciel). De plus, chaque module LON se programment uniquement contre une redevance payante.
X10 est vraiment à éviter, car très sensible aux perturbations du réseau électrique
Bryan, le 9 décembre 2014 à 16:47
Pour l'interface, il existe une alternative plutôt sympa : http://www.phpmydomo.org/
Remi Grumeau, le 10 décembre 2014 à 11:11
@Jerome Le Arduino n'est pas un ordinateur comme le Pi, c'est un embarqué pourvu de 14 pins analogiques (oui/non) et 6 pins digitaux (de 0 à 1024) que tu peux définir en entrée ou sortie, puis récupérer la donnée ou définir la donnée qui passe dans le pin. Et sur le pin, tu peux brancher des capteurs (humidité, luminosité, gyroscope, …) ou des moteurs, servo, steppers, …
L'intérêt, c'est surtout le langage hyper simple (proche du Javascript) et les centaines de modules disponibles (a pas cher sur banggood). Bon alors c'est vrai que si il y a une interface qui permet de tout gérer limite en drag'n'drop, l'argument tombe un peu a plat :)
Quelques exemples -> http://www.geeek.org/domotique-5-idees-de-montages-avec-l-arduino-772.html
Dennis Crowley faisait tweeter sa plante verte selon la lumière et son taux d'humidité avec un dérivé d'Arduino :) Détail qui tue, les plans du Arduino sont opensource, on peut donc faire le sien ou acheter des "copies" 100% compatibles.
Jérôme Boukorras, le 11 décembre 2014 à 13:38
@heyyy : Merci pour ces précisions, j'étais persuadé que KNX fonctionnait sur le même principe de centralisation que les autres protocoles.
@Bryan : Je ne connaissais pas, je vais tester ça, merci !
@Remi : Merci pour ces précisions, ça à l'air vraiment sympa pour créer ses propres modules. Ça donne des idées !
Néné, le 24 décembre 2014 à 9:32
J'adore, et je pense que je vais bientôt passer du côté obscure de la domotique ;-)
Andre, le 25 mai 2015 à 13:07
Domoticz intègre à présent les capteurs MySensors qui sont a base d'Arduino à monter sois même. Cela fonctionne bien. On a une architecture système avec des capteurs et effecteurs individuels (Mysensors) reliés par Radio au Raspberry qui gere l'ensemble de la maison avec Domoticz
Cécile, le 9 mai 2016 à 11:09
En effet, la domotique est bien utile. Depuis que je suis des cours du soirs en Math sup, il m'est bien utile de pouvoir contrôler ma maison depuis mon ordinateur et téléphone pour différentes raisons : lumières allumées, volet à fermer etc ..
Jonathan, le 3 avril 2017 à 13:23
J'aurais tellement aimé étudier la domotique en école d'ingénieur. Je trouve ce domaine d'étude beaucoup plus concret que les mathématiques théoriques. Merci pour les explications.
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