Des tests grandeur nature
- Il faut afficher un seul bouton d’inscription.
– Nous avons plusieurs offres, il faut proposer tous ces choix à l’utilisateur : qui peut le plus peut le moins après tout.
– Non, avant de vendre, il faut déjà capter l’internaute avec du contenu frappant. Il vaut mieux proposer le produit dans un deuxième temps, une fois qu’il est avec nous.
Ce genre de discussion vous semble familier ? Le designer, le marketing, le développeur front, l’ergonome, l’ingénieur système, le chargé de relation client, le gardien : tout le monde a un avis quand il s’agit de web.
Qui est le mieux placé pour faire le bon choix ? L’ergonome ? Et s’il s’agit d’un site de vente de matériel informatique ? L’avis de l’ingénieur système devient particulièrement pertinent car il aura sûrement un usage différent. Il adorera la fonctionnalité qui permet de naviguer au clavier, avec des raccourcis qu’un utilisateur lambda trouvera trop compliqué. Tout dépend de la cible.
Même au sein d’une audience, les habitudes changent (très vite).
Tester une fonctionnalité avant de la généraliser
Avec le web, nous n’avons plus besoin d’avoir tout bon dès le début. Le produit n’est pas envoyé dans la nature en dix mille exemplaires une fois pour toutes. Pas besoin de faire un communiqué de presse pour récupérer les dix mille produits défectueux. Nous gardons la main sur le produit pendant tout son cycle de vie. De plus, le coût du changement est bien plus faible que dans l’industrie. Une fois qu’une voiture est construite, il est impossible de la modifier.
Non seulement l’erreur est permise sur le web, mais en plus on surfe dessus pour apprendre. Nous allons nous tromper : la question c’est quand et comment nous allons en tirer partie. En livrant très vite des petites fonctionnalités, nous pouvons récolter du feedback dessus. Ce serait juste terrible d’investir du temps, de l’argent, de l’amour, de la sueur dans un projet pendant un an… et se rendre compte à la fin que les ventes stagnent, non ?
Combien de fonctionnalités sortent chaque jour sans que l’on sache si elles ont « marché » ? Le fait de s’interroger sur le critère de succès permet de réfléchir au pourquoi de chaque fonctionnalité. Qu’en attend-on concrètement ? Cinq partages sur les réseaux sociaux ? Au moins 2 % de conversion ? Être en première page de Google ? Réduire le taux de rebond à 50 % ?
Si l’analyse a lieu après la livraison d’une très grosse fonctionnalité, l’analyse des causes d’échec est d’autant plus compliquée : c’est à cause du nouveau moteur, de la nouvelle charte, du changement de wording ? Faire des petites livraisons fréquentes pour les confronter au public permet de débogguer plus vite une idée pourrie. C’est un peu comme les tests unitaires.
Google a rendu la pratique d’A/B testing accessible à tout public avec Google Analytics. Plus besoin de mettre différentes versions les unes après les autres pour comparer leur rendement. Il suffit de publier plusieurs versions en même temps, de préciser quel ratio va tester la version alternative ainsi que le degré de fiabilité du test souhaiter, et de regarder les résultats quand c’est fini. En quinze minute maximum, c’est plié. Le code sera optimisé plus tard, quand il y aura eu un scénario gagnant.
En changeant uniquement le libellé « Suivez moi sur Twitter » en « Vous devriez me suivre sur Twitter ici », Dustin Curtis a augmenté son nombre d’inscrits de 173%. Sur un autre site, ajoutez le mot « gratuit » dans une description va doper les conversions. Transformer un bouton en lien a également eu un effet très positif sur le nombre de clics sur un site de petites annonces. Un emplacement de bouton peut aussi faire la différence. Même s’il faut être vigilant sur les données (les conclusions d’une expérience sur un site peuvent être tout à fait inadéquates pour un autre), les tests A/B révèlent surtout que les micro changements ont leur importance. La validation de ces hypothèses a un coût plus que raisonnable.
L’essor des applications mobiles aurait pu freiner les tests grandeur nature à cause du délai de leur validation. Il n’en est rien. Des outils comme leanplum permet de faire des tests A/B sans devoir revalider l’application auprès d’Apple.
Tester un marché
Un intérêt de l’utilisateur se manifeste par un retweet ou un like sur les réseaux sociaux. Même les internautes les plus passifs s’expriment sans le vouloir : via un clic, un temps passé sur la page, un nombre de pages vues sur le site. Google Analytics, Piwik ou XITI sont des mines d’or pour obtenir des informations.
De plus, le web permet d’atteindre le monde entier, rien que ça. Besoin de savoir si une idée plaira ? Vous pouvez tâter le terrain en postant un message sur des forums bien ciblés ou poster un commentaire sur des billets de blog. Vous pouvez créer une mailing list pour voir si des personnes souhaitent avoir plus d’information. Sans utiliser mon réseau, j’ai ainsi obtenu 200 réponses à un questionnaire en un mois et 150 personnes souhaitant recevoir mon application alors que son développement n’est pas terminé.
J’étais aussi persuadée que mon idée d’application pour les jeunes mamans était géniale. Avant de l’intégrer dans une véritable application et de la déployer sur Apple et Android, j’ai fait un prototype rapide en deux soirées sur une page web. Les chiffres ont parlé : moins de 7 % des mamans arrivant sur la page termine l’exercice. Faute de temps, d’intérêt ? Il faudrait leur demander sur le terrain. En tout cas, cela aurait été une perte de temps d’investir plus dessus.
Plus connu, Dropbox a lancé une vidéo avant de lancer son véritable produit pour voir s’il y avait du répondant. Au bout de 15 mois, ils sont passés de 100 000 inscrits à 4 millions. Plus local, Commitstrip se demandait si c’était pertinent de publier une version papier de leurs bandes dessinées. Plutôt que potentiellement investir à perte, ils ont décidé de faire avancer le projet en fonction des levées de fonds auprès d’internautes. Au bout d’un mois seulement, 650% du financement requis a été atteint. Envie d’écrire un livre ? Pas besoin de prendre une année sabbatique pour l’écrire avant de savoir s’il marchera. Vous pouvez livrer un seul chapitre pour commencer et voir s’il se vend bien sur Leanpub.
Concrètement, n’importe qui peut proposer un projet qui lui tient à cœur et le tester à grande échelle sur internet. Vous pouvez ainsi proposer un projet sur Ulule, Octopousse ou Kisskissbank pour voir si Internet vous soutient avant d’investir deux ans de votre vie dessus.
Observer ce que les gens font réellement prend plus de temps mais économise tant de larmes. Moins de frictions sans fins. C’est un peu délicat d’accepter de faire des petits bouts imparfaits pour tester des hypothèses plutôt que de réaliser la grosse artillerie parfaite (sur le papier…). Cet inconfort sera vite oublié face aux apprentissages obtenus par une plus grande observation. Le côté factuel permet aussi de rassembler les équipes sur ce qui est important : un produit top pour le client.
Oui, tout le monde connaît les tests utilisateurs, l’A/B testing et le crowdfunding. Mais qui le pratique à gogo ? Les tests fonctionnels itératifs sont-il ancrés dans votre culture ou en êtes vous encore à débattre encore et encore ? Prenez-vous vous des baffes en réalisant régulièrement, qu’en fait, vous ne savez pas ce que votre utilisateur veut ? Je vous laisse faire le bilan. Pour ma part, je sais qu’on peut encore mieux faire !
5 commentaires sur cet article
PhilippeVay, le 11 décembre 2013 à 7:18
Avez-vous (ou qui a) des retours d'expérience sur l'implémentation de ces tests A/B dans nos plateformes, CMS, etc ? À ma connaissance, ce n'est jamais pris en compte dans les fonctionnalités du thème de base des CMS et ce sans surprise puisque c'est une fonctionnalité "avancée" et pas très demandée en 2013 par les créateurs de site. Du coup, y a-t-il des fonctions, scripts, méthodes, bonnes pratiques, plugins, thèmes pour WordPress, Code Igniter, SPIP, Joomla!, Express, Drupal, Rails, etc ? Comment servir des pages différentes à un échantillon représentatif de X% des visiteurs ?
Stéphanie, le 11 décembre 2013 à 18:39
Hello, Petite question concernant l'AB testing via Google analytics, auriez-vous un lien vers un article qui détaille cette méthode ?
Florence, le 12 décembre 2013 à 0:17
@Philippe Je n'ai pas de retour d'expérience concret d'AB testing sur des plateformes CMS... Certains plugins wordpress le gèrent plus ou moins semble-t-il : http://wordpress.org/plugins/tags/ab-test J'espère que d'autres personnes pourront plus t'aider!
Il y a un tutoriel détaillé pour google analytics avec wordpress en exemple par ici : http://www.wpbeginner.com/wp-tutorials/how-to-ab-split-testing-in-wordpress-using-google-analytics/
@Stéphanie Le lien juste au dessus est assez détaillé. J'avais aussi écrit un petit article sur la mise en place d'un test AB sur google analytics en 15mn par ici : http://www.reeducation-perinee.org/blog/ab-testing-avec-google-analytics-en-15-minutes/
Nathalie, le 31 décembre 2013 à 10:21
Bonjour Pourquoi tous les liens vers les plate-formes de crowfunding (Uluel, Octopousse, Kisskiss) pointent en fait vers leanpub ?
Rémi, le 1 janvier 2014 à 17:41
C'était une erreur de ma part. C'est corrigé. Merci de l'avoir remontée.
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